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Cinq questions à Florence Lambert, directrice du CEA-Liten

 Quelle place pour l’hydrogène dans le mix énergétique ?


Quelle place pour l’hydrogène dans le mix énergétique ? Quelle feuille de route pour le développement de cette filière en France ? Et quelle place y occupe le CEA ? Les explications de Florence Lambert, directrice du CEA-Liten

Publié le 1 juin 2018

Qu’est-ce qui vous laisse entendre que la filière Hydrogène est sur le point de décoller ? 

Ces dernières années, les coûts des énergies renouvelables comme le solaire ont connu une chute vertigineuse, tandis que les coûts des électrolyseurs ont été eux aussi divisés par quatre…. Si bien que l’on atteint aujourd’hui en Europe un prix de 4 à 6 euros par kilogramme d’hydrogène « vert » (produit à partir d’énergies décarbonnées, nucléaire ou renouvelables)… compétitif par rapport à celui de l’hydrogène obtenu par la voie pétrochimique dite « SMR » (4 à 5€/kg) ! En parallèle, il y a un réel besoin lié à l’électro-mobilité : les batteries lithium-ion ne pourront pas assurer de recharge rapide, au contraire de l’hydrogène. Sans compter la question des grosses plateformes comme les camions, les bateaux ou même les avions, confrontés eux aussi à des objectifs de décarbonation ambitieux, et dont les besoins énergétiques conséquents ne pourront jamais être couverts par les seules batteries ! 

Quelle place aura l’hydrogène dans le mix énergétique ?

Difficile d’estimer la part de l’hydrogène dans le mix énergétique car elle dépend énormément de la situation énergétique et des réseaux électrique de chaque pays. En France, où nous avons l’un des réseaux les plus stables, un stockage électrique inter-saisonnier à base d’hydrogène - pour lequel les batteries ne sont pas pertinentes – ne serait nécessaire qu’à partir de 60% d’énergies renouvelables dans la production totale… ce dont nous sommes encore loin. En revanche, dans des pays disposant de réseaux incomplets ou instables, ce stockage stationnaire va se développer très vite. Dans tous les cas, l’hydrogène offrira d’autres services : il peut être recombiné en d’autres vecteur énergétiques comme le méthane, en molécules d’intérêt pour la pétrochimie, ou alimenter l’électro-mobilité. C’est vraiment la brique Lego de la transition énergétique !

Le Ministre de l'environnement Nicolas Hulot a missionné le CEA pour établir, en partenariat avec la DGEC, une feuille de route « hydrogène » pour la France. En quoi a consisté cette mission ?

Le ministre pressent que l’hydrogène a un grand potentiel pour la transition énergétique, mais a constaté que le sujet suscitait des réactions très contrastées. Il nous a donc demandé de réaliser une vaste enquête pour saisir les perspectives réelles de la filière. Il s’agissait moins de réaliser des projections chiffrées que de récolter la vision et la stratégie des acteurs majeurs du secteur. Nous avons donc interviewé pas moins de 50 industriels, puis synthétisé nos propositions sous forme d’une feuille de route que nous avons remis fin mars dernier.

Quelles en sont les conclusions ?

Une des priorités porte sur la décarbonation de la production d’hydrogène. Pour mémoire, 900 000 tonnes d’hydrogène sont produites en France chaque année par la voie pétrochimique dite « SMR », avec une empreinte environnementale de 10 millions de tonnes de CO2. Dans un second temps, la mobilité hydrogène devrait être encouragée sur le modèle du projet ZEV (Zero Emission Valley Valley). Ce projet, qui vise à déployer 1000 véhicules et 20 stations de recharge dans la région Auvergne Rhône-Alpes, pourrait être étendu à d’autres régions.

Pourquoi cette mission a-t-elle été confiée au CEA ?

Le CEA est le deuxième déposant de brevets au niveau mondial sur la technologie haute température de l’hydrogène. Nous développons depuis plus de vingt ans des savoir-faire sur l’ensemble de la chaîne, de l’électrolyse aux piles à combustible, en passant par le stockage de l’hydrogène, son couplage à des productions d’énergies renouvelables, le développement de matériaux et de systèmes de gestion intégrée. Autant de savoir-faire bien résumés par le projet de catamaran Energy Observer, totalement autonome dont nous avons été l’architecte énergétique. 
Nos solutions sont par exemple très innovantes pour l’électrolyse haute température. Initialement pensée dans l’optique de récupérer la chaleur « fatale » (celle qui ne peut être évitée) du nucléaire, elle peut être facilement adaptée pour stocker les énergies renouvelables, ou l’énergie du résidentiel comme le fait la start-up Sylfen, qui utilise des brevets CEA. Nous avons également une grande expertise sur les piles à combustibles de type PEM, d’abord développées avec PSA, et qui font aujourd’hui l’objet d’un transfert technologique vers l’équipementier automobile Faurecia, qui va la commercialiser mondialement ! Sur le volet stockage, les équipes du centre CEA de Ripault s’apprêtent à certifier le premier réservoir européen de 700 bars, un élément-clé pour la mobilité hydrogène.
Le CEA apparait donc comme un observateur « agnostique », ayant une bonne compréhension des technologies et des enjeux industriels sans pour autant avoir un produit en particulier à défendre.

Le CEA s’investit également dans les activités de standardisation (IEC, ISO) de ces technologies…

En effet, et il s’agit là d’un sujet d’importance stratégique. A chaque étape du déploiement d’une nouvelle technologie – et nous en sommes à ce stade pour l’hydrogène et la pile à combustible – il est nécessaire de disposer de normes et de standards. Cela permet aux acteurs nationaux et internationaux de développer leur compétitivité. C’est aussi un gage de la maîtrise de la technologie qui permet, par exemple, d’appréhender le risque et la sécurité d’installation et d’usage. La standardisation est également très pratique pour les pouvoirs publics qui, en France comme dans le reste de l’Europe, ne disposent pas forcément d’une réglementation spécifique et peuvent ainsi se référer à des textes internationaux.
Dans l’Hexagone, il existe deux comités de standardisation (dont les équivalents en Europe sont le CEN et le CENELEC) dont le rôle est de porter les standards électriques au niveau mondial, tout comme l’ISO pour les autres standards. Le CEA préside ces deux comités miroirs français (IEC TC 105 et ISO 197) ainsi que, depuis octobre 2017, le comité international IEC TC 105.


​Cette interview est extraite du  magazine Les Défis du CEA n°227 (mai 2018)
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