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DECRYPTAGE - MAKING-OF

Panneaux photovoltaïques : séparer pour mieux recycler


Pour recycler les panneaux photovoltaïques, il faut au préalable séparer les éléments qui les constituent. Objectif : valoriser leurs matières dans une logique d'économie circulaire. C'est dans ce but que le CEA étudie un procédé de délamination de ces panneaux par CO2 supercritique.

Publié le 16 décembre 2021

En 2050, la capacité des installations de panneaux photovoltaïques (PV) pourrait atteindre 8 500 gigawatts dans le monde. Composés de métaux critiques (silicium métal, argent, cuivre) dont l’Europe ne maîtrise pas la production, et avec une durée de vie n’excédant pas trente ans, le recyclage de leur module s’avère indispensable. D’autant que ces métaux constituent une ressource ainsi qu’une solution pour répondre à la demande croissante de panneaux. C’est tout l’enjeu du projet européen Photorama que de mettre au point des procédés innovants de recyclage. Il s’agit de parvenir à séparer les éléments constituant les modules PV afin de les valoriser dans une logique d’économie circulaire. Dans cette optique, le CEA étudie un procédé de « délamination » par CO2 supercritique.

VidéoLa délamination des panneaux photovoltaïques au C02 supercritique


La délamination…

La délamination garantit une récupération optimale des couches du module photovoltaïque. » Alexandre Carella, Chef de Laboratoire

Le module photovoltaïque d’un panneau est composé de plusieurs couches : verre, cellule PV en silicium encapsulée dans un polymère, et feuille arrière (backsheet). La délamination consiste à séparer les différentes couches du module pour accéder aux éléments d’intérêt à recycler (verre et métaux critiques de la cellule). 

Introduction d’un module PV de 144 cm2 dans l’autoclave.

Introduction d’un module PV de 144 cm2 dans l’autoclave. © Y. Caudic / CEA


Elle est effectuée grâce au CO2 supercritique, état du CO2 aux propriétés intermédiaires entre liquide et gaz obtenu quand il dépasse son point critique à 31°C et 73,8 bars de pression. Ses atouts : une diffusivité importante favorisant sa pénétration dans les solides ; et un faible impact environnemental car sans recours à des solvants organiques et ne produisant pas d’effluents.

… par CO2 supercritique

Les propriétés du CO2 supercritique permettent de séparer efficacement et proprement les différentes couches du module photovoltaïque. » Virginie Basini, cheffe de service

Au sein d’un réacteur, le CO2 supercritique pénètre la couche du polymère encapsulant la cellule PV en silicium. Une fois le CO2 suffisamment absorbé, les chercheurs effectuent une dépressurisation. Sous l’effet de ce CO2 en son sein, le polymère encapsulant se met à gonfler et mousser. 

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Module avant et après sa délamination. © Y. Caudic / CEA

Cette déformation entraîne la séparation des différentes couches du module PV qui peuvent ainsi être récupérées individuellement. La déformation est maîtrisée en « jouant » sur différents paramètres, tel que mis en évidence par les différentes études de caractérisation.

L'institut Isec du CEA

L’institut Isec a été créé au sein de la Direction des énergies du CEA en 2020 sur le site du CEA de Marcoule, dans le Gard. Sa mission : utiliser les compétences acquises historiquement dans le domaine du nucléaire pour les étendre à toutes les énergies bas carbone, notamment pour recycler et valoriser les matières dans une logique d’économie circulaire et d’économie des ressources primaires et secondaires. Les équipes de l’Isec intègrent ainsi, dans leur démarche, des études de technico-économie et d’analyses du cycle de vie pour évaluer la viabilité économique et l’impact environnemental d’un procédé à toutes les étapes de son développement. C'est à l'Isec qu'est éudié le procédé de délamination des modules PV par CO2 supercritique.

Caractérisation

La compréhension des étapes du procédé à petite échelle facilite les essais à plus grande échelle. » Axel Briand, doctorant

Pour comprendre et expliquer les phénomènes à l’œuvre dans le procédé de délamination, l’équipe a développé un dispositif de caractérisation et d’expérimentation in situ. Grâce à une caméra couplée à un microscope, le moussage entraînant la séparation des couches du module PV peut être observé à toute petite échelle et en temps réel. 

Dispositif de caractérisation pour acquérir, traiter et analyser les images de l’avancement du procédé

Dispositif de caractérisation pour acquérir, traiter et analyser les images de l’avancement du procédé. © Y. Caudic / CEA

De cela, il en ressort plusieurs pistes d’optimisation. Par exemple, augmenter la vitesse de dépressurisation du CO2 supercritique pour amplifier les déformations du polymère. Ou encore, perforer le module avant délamination pour améliorer le taux de pénétration du CO2 supercritique. De même, les paramètres de température et de pression peuvent être affinés.

Photorama

Ces essais ont pour origine des travaux conduits lors d’une thèse au CEA portant précisément sur ce procédé de délamination par CO2 supercritique. Ils ont donné lieu au projet européen Photorama, lancé en juin 2021 par un consortium de 13 organismes dont le CEA. Objectif : créer en Allemagne une ligne industrielle pilote de recyclage des panneaux solaires photovoltaïques. Un autre procédé de délamination de ces panneaux, cette fois avec du fil diamanté, est également à l’étude par le CEA, au Liten, sur le site de Grenoble, dans le cadre de Photorama.

Echelle industrielle

Nous disposons d’outils expérimentaux et de simulation pour étudier la viabilité du procédé à l’échelle industrielle. » Antoine Leybros, Ingénieur-chercheur

La spécificité du laboratoire est de disposer d’équipements à différentes échelles, allant jusqu’à des réacteurs d’une dizaine de litres. Les chercheurs ont également recours à la simulation numérique pour identifier quel paramètre du procédé est représentatif des changements d’échelles (du laboratoire au semi-industriel). 

Réacteur de 12 litres dans lequel est délaminé un module PV de 144 cm2

Réacteur de 12 litres dans lequel est délaminé un module PV de 144 cm2. © Y. Caudic / CEA


L’objectif ultime est d’utiliser ce modèle, alimenté et validé par les données expérimentales, pour dimensionner un prototype industriel. 

Le CO2 supercritique, un fluide multi-fonctions !

Le premier succès grand public du CO2 supercritique au CEA date du début du XXIe siècle, lorsqu’il a été employé par Guy Lumia, chercheur au CEA à Marcoule, pour extraire du liège, le trichloroanisole, responsable du goût de bouchon qui pouvait transformer un bon vin en une horrible piquette. A l’Isec, on expérimente différentes applications possibles du CO2 supercritique. Outre la délamination des modules photovoltaïques, on étudie aussi ses capacités d’extraction d’éléments d’intérêt comme les lipides des micro-algues utilisés pour la production de bio-carburants, de dépollution et de stérilisation, notamment des masques de protection contre la Covid-19.


Retrouvez cet article dans les Défis du CEA n°246.

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