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Simulation du climat au Miocène moyen

les conditions environnementales en Europe auraient-elles pu favoriser la migration des Hominoïdes ?


Unique phase de réchauffement global des 30 derniers millions d’années et période majeure dans l’histoire des hominoïdes, le Miocène moyen (17 à 13 Ma[1] environ) marque leur première dispersion de l’Afrique vers l’Eurasie, et plus particulièrement vers l’Europe. Jusqu’à présent les conditions climatiques précises associées à cette période restaient inexpliquées.
Publié le 14 mai 2012

Grâce à la combinaison d’un modèle de climat couplé océan-atmosphère et d’un modèle de végétation, des chercheurs du LSCE (CNRS/CEA/UVSQ), de l’IPHEP (CNRS/Université de Poitiers) et de l’Université de Liège, ont réussi à simuler les changements environnementaux intervenus au Miocène moyen en Europe. Leurs résultats permettent ainsi, pour la première fois, d’identifier les conditions climatiques (température, concentration de CO2, cycle de l’eau, volume de glace) nécessaires au développement de forêts subtropicales en Europe, offrant ainsi un habitat favorable aux hominoïdes en dehors du territoire africain. Ces résultats viennent d’être publiés en ligne par la revue Geology.

Au Miocène moyen (17 à 13 Ma environ), de nombreuses données polliniques et paléobotaniques indiquent, en Europe, la présence de forêts subtropicales, caractéristiques d’un climat plus chaud et plus humide qu’aujourd’hui, avec un contraste saisonnier moins marqué. Unique phase de réchauffement global des 30 derniers millions d’années et période majeure dans l’histoire des hominoïdes[2], le Miocène moyen marque leur première dispersion de l’Afrique vers l’Eurasie, et plus particulièrement vers l’Europe. A l’époque, d’importants changements environnementaux, au premier rang desquels le développement de forêts subtropicales, ont offert aux hominoïdes un habitat favorable en Europe.

Jusqu’à présent peu d’informations étaient disponibles sur ces changements. Les conditions climatiques, et donc environnementales, de l’époque restaient inexpliquées. Aucune évaluation de la concentration atmosphérique en CO2 (variation entre 200 et plus de 700 ppmv[3]) et du volume de glace en Antarctique (variation entre 25% et 70% du volume de la calotte est-antarctique actuelle) n’avait été établie de manière précise et déterminante. Des chercheurs du LSCE (CNRS/CEA/UVSQ), de l’IPHEP (CNRS/Université de Poitiers) et de l’Université de Liège viennent d’étudier l’impact de ces deux paramètres sur le climat de l’époque et ont réalisé des simulations inédites du climat au Miocène moyen. En se basant sur leurs calculs, les chercheurs ont, pour la première fois, identifié les conditions climatiques (température, cycle de l’eau, volume de glace) et environnementales (forêts subtropicales) favorisant le développement des hominoïdes en Europe. Plus précisément, ces recherches indiquent quelle gamme de CO2 atmosphérique et quel volume de calotte de glace antarctique ont pu conduire à l’extension d’une forêt subtropicale en Europe à l’époque.

En utilisant un modèle de climat couplé océan-atmosphère et un modèle de végétation dynamique[4], les chercheurs ont simulé le climat et la végétation en Europe au Miocène moyen pour différents taux de CO2 et différentes configurations de la calotte antarctique. Leurs résultats indiquent qu’un taux de CO2 supérieur à l’actuel est nécessaire pour commencer à développer une forêt subtropicale en Europe. Plus précisément, la combinaison d’une concentration en CO2 atmosphérique de 560 ppmv et d’un faible volume de glace, soit 25% du volume de la calotte est-antarctique actuelle, contribuerait fortement à produire des conditions climatiques optimales pour le développement de forêts subtropicales en Europe.

Les chercheurs ont également découvert qu’un taux plus fort de CO2 en Europe, équivalent par exemple à 700 ppmv, diminuerait la croissance de végétaux tropicaux. Selon leur modélisation, ce phénomène s’expliquerait par un effondrement de la convection en Atlantique Nord qui perturberait l’apport de chaleur par l’océan sur l’Europe. De plus, ces résultats révèlent l’impact important au Miocène moyen du volume de glace en Antarctique sur le climat et la végétation européens. En effet, en présence d’un très faible volume de glace en Antarctique, voire en son absence, les changements simulés dans la circulation thermohaline[5] provoqueraient un réchauffement de l’Europe, pouvant ainsi favoriser la croissance et l’expansion des forêts subtropicales, tandis qu’une calotte antarctique similaire à l’actuelle aurait tendance à l’inhiber. Les chercheurs espèrent désormais expliquer pourquoi le taux de CO2 atmosphérique a augmenté au Miocène moyen alors que depuis le commencement de l’ère tertiaire, la température n’a quasiment pas cessé de baisser de même que la concentration de CO2. De tels résultats constitueraient un élément majeur pour la compréhension du réchauffement observé au Miocène moyen.

[1] Millions d’années.
[2] Les hominoïdes, ou Grands Singes, regroupent les Hommes, Chimpanzés, Gorilles, Orangs-outans et Gibbons actuels.
[3] Partie par millions par unité de volume.
[4] Modèle de biosphère Terrestre et Modèle de circulation Générale de l’Océan et Atmosphère FOAM (the Fast Ocean Atmosphere Model).
[5] Il s’agit de la circulation permanente à grande échelle de l'eau des océans engendrée par des écarts de température et de salinité des masses d'eau.

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Productivité primaire nette (NPP) moyenne des types de plantes subtropicaux de CARAIB en Europe, pour les différentes simulations. Les cartes indiquent le pourcentage de la productivité locale due aux subtropicaux, ainsi que la localisation des sites fossilifères ayant livré des indicateurs de forêt subtropicale (points noirs) et des Hominoïdes (carrés blancs). La barre hachurée (560ppm de CO2 et glace en Antarctique) correspond à l'effet du climat seul, sans effet de fertilisation lié à l'augmentation de la concentration en CO2.

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