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Avec une mémoire quantique, l’ordinateur quantique est 1 000 fois plus petit !


​Des physiciens théoriciens du CEA à l’Institut de Physique Théorique (CEA / CNRS / Université Paris-Saclay) démontrent qu’en ajoutant une mémoire quantique au processeur, il faut 1 000 fois moins de bits quantiques pour résoudre un problème emblématique, en s’appuyant sur l’algorithme de Shor. Du fait de la réduction du nombre de qubits nécessaires, ce résultat théorique, publié dans Physical Review Letters le 28 septembre 2021, lève certains verrous techniques pour le développement d’un futur ordinateur quantique. 

Publié le 28 septembre 2021


Alors même que les ordinateurs classiques contiennent un processeur et des mémoires, la communauté scientifique imaginait jusqu’à présent l’ordinateur quantique sous la forme d’un processeur dépourvu de mémoire et contenant des bits quantiques (qubits) situés sur un même plan. Ce processeur effectue des opérations sur les qubits et corrige les erreurs inévitables générées par la fragilité intrinsèque de leur état.

Des chercheurs de l’Institut de Physique Théorique (IPhT), situé sur le CEA-Paris-Saclay, se sont demandé ce qu’apporterait une nouvelle architecture associant un processeur quantique à une mémoire quantique. Pour l’évaluer, ils ont choisi l’algorithme de Shor[1], qui, s’il était mis en œuvre par un ordinateur quantique, rendraient vulnérables les systèmes de cryptage courants des ordinateurs classiques tels que le chiffrement RSA très utilisé dans le commerce électronique. Google, en particulier, a estimé qu’un processeur de 20 millions de bits quantiques résoudrait en quelques heures ce problème insoluble avec un ordinateur classique.

Les physiciens de l’IPhT ont démontré qu’avec l’association processeur-mémoire, ce problème ne requiert plus que 200 000 bits quantiques. En ajoutant des procédures de correction d’erreurs optimisées, le nombre de qubits diminue encore pour atteindre 13 000, soit un gain de trois ordres de grandeur.

La démonstration qu’un tel gain est possible constitue une étape importante, car elle fait tomber une barrière : avec les techniques actuelles, la réalisation de 20 millions de qubits nécessiterait un ordinateur quantique de grand volume et une ingénierie associée particulièrement complexe, pour refroidir ce volume à basse température.

La durée de calcul, en revanche, s’allonge de quelques heures à quelques mois mais la durée de vie des données confidentielles susceptibles d’être divulguées est encore plus longue.  La contrepartie de la réduction de la taille du processeur est en effet une diminution du parallélisme des opérations, qui doivent ainsi être effectuées davantage les unes à la suite des autres. La puissance du calcul quantique reposant sur la superposition d’états quantiques n’est, quant à elle, aucunement affectée.

Cette nouvelle configuration requiert également une mémoire très fidèle puisque les états quantiques des qubits sont transférés de la mémoire au processeur puis du processeur à la mémoire, à chaque fois qu’ils sont requis pour effectuer une opération.

« L’idée de ce travail m’est venue à la suite d’échanges avec Patrice Bertet, chercheur au CEA-Iramis, explique Nicolas Sangouard, co-auteur de l’étude. Son équipe sait comment extraire l’état d’un qubit supraconducteur sous forme d’un photon microonde et le conserver intact dans une mémoire pendant près de 100 ms. Il faudrait ensuite réussir à procéder à l’opération inverse de manière à transférer les états quantiques sur les qubits d’un processeur et montrer qu’il est possible de manipuler cette information à l’aide d'un grand nombre d’opérations logiques en réalisant un aller-retour mémoire-processeur entre chaque opération ».

Ce travail théorique, qui a déjà suscité l’intérêt des acteurs du monde quantique, est une nouvelle motivation pour poursuivre les travaux de recherche menés au CEA-Iramis sur les mémoires quantiques au temps de vie plus long et de meilleure qualité.  

[1] L’algorithme de Shor, qui doit son nom à son concepteur Peter Shor, est un algorithme quantique. Il ouvre la voie à la factorisation de très grands nombres en un temps record. Or, la plupart des protocoles de cryptographie classiques, comme ceux utilisés pour assurer la confidentialité d'une carte bancaire, reposent sur la complexité de cette factorisation. Beaucoup de systèmes cryptographiques deviendraient vulnérables si l'algorithme de Shor était un jour implémenté dans un calculateur quantique.


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