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Atteindre les performances ultimes des nanosystèmes


​Une équipe du CEA et de l’Université Grenoble-Alpes, et ses partenaires internationaux, viennent de mettre au point une technique permettant de diagnostiquer les problèmes de performance des nano-résonateurs, des nanodétecteurs utilisés dans l’industrie et la recherche. Ces NEMS n’ont jamais pu être exploités au maximum de leur capacité : un écart entre la limite théorique de détection et une limite observée toujours dégradée, demeurait jusque-là inexpliqué. Les chercheurs sont parvenus à évaluer et à expliquer ce phénomène grâce à leur nouvelle approche, détaillée dans Nature Nanotechnology le 29 février, et comptent lever ce verrou.

Publié le 29 février 2016
Les nano-résonateurs – des nanosystèmes électriques, ou NEMS – ont de multiples applications, comme la détection de masse ou de force : composé d’une sorte de « nano-corde », le nano-résonateur vibre à une certaine fréquence de résonance. Cette fréquence change lorsque des molécules gazeuses, ou des particules biologiques, se posent sur la surface des nano-résonateurs, ce qui permet la détection ou l’identification de ces espèces pour, par exemple, le diagnostic médical. Les dimensions infimes de ces dispositifs (inférieures au millionième de mètre) permettent une détection extrêmement sensible (Figure 1).

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Les nano-résonateurs sont composés d’un pont (milieu) vibrant à une certaine fréquence de résonance. La vibration est traduite en signal électrique qui transmet l’information électriquement. Ces systèmes permettent de détecter une masse ou une force : pour la masse, il s’agit d’identifier les particules ou gaz en présence et leur quantité ; pour la force, il s’agit par exemple de faire de l’imagerie médicale ou de scanner des surfaces à l’échelle subatomique comme pour par exemple étudier des interactions ADN/protéines. © CEA-Leti

Cette résolution a néanmoins une limite de détection : un « bruit de fond » parasite les mesures. Ce bruit de fond observé, qui a toujours été considéré par les chercheurs comme intrinsèque au système (Figure 2) reste pourtant largement supérieur à ce que prévoit la théorie, mais l’impossibilité de mieux connaître et comprendre les phénomènes en cause a toujours amené la communauté à les ignorer. 

L’équipe du CEA-Leti et ses partenaires ont analysé toutes les mesures de stabilité de fréquence trouvées dans la littérature, et ont montré qu’une différence de plusieurs ordres de grandeur subsistait entre la limite théorique communément admise et les mesures expérimentales. 

En plus d’évaluer cette marge, les chercheurs ont développé une technique permettant de la diagnostiquer pour chaque nano-résonateur, en étudiant ce problème avec leurs propres résonateurs en silicium monocristallin très pur.

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Pour mesurer une masse ou une force, on mesure la fréquence de résonance du nano-résonateur, c’est-à-dire la fréquence du signal électrique émis par le dispositif. Cette fréquence est déterminée par le matériau et la géométrie du nano-résonateur. Comme tout signal, il est entaché d’un « bruit » : un signal parasite aléatoire, qui s’ajoute au signal utile. C’est une limite théorique connue et communément admise : on sait le quantifier mais pas l’éliminer. Cette limite est néanmoins largement plus basse que celle observée, et ce pour l’ensemble des dispositifs réalisés dans le monde : ce phénomène a été quantifié et expliqué dans la présente étude. Note : « bottom-up » désigne une technique de fabrication par croissance chimique plutôt que par gravure d’un matériau de base, comme utilisée par exemple pour les nanotubes de carbone ou le graphène. © CEA-Leti

La fréquence de résonance d’un nano-résonateur est déterminée par la nature du matériau qui le compose et sa géométrie – elle est donc théoriquement fixe. En le faisant vibrer à plusieurs autres fréquences définies, proches de sa fréquence de résonance, les chercheurs du CEA-Leti ont pu démontrer qu’en plus du bruit de fond théorique attendu, un autre effet vient parasiter la limite de résolution de détection du système : sa fréquence de résonance varie légèrement. Ces fluctuations de fréquence de résonance proviennent de l’extrême sensibilité de ces systèmes : ils détectent très bien d’infimes variations de masse et de force, mais sont également très sensibles à la moindre variation locale de température, à des mouvements de molécules à leur surface… Ces paramètres ne peuvent plus être ignorés à ces échelles, car ils limitent les performances des nano-résonateurs. Par exemple, un changement de température infinitésimal peut faire varier les paramètres matériau du dispositif, et donc sa fréquence. Ces variations peuvent être rapides et aléatoires. 

La technique expérimentale développée, qui fait l’objet d’un dépôt de brevet en cours, permet d’évaluer la perte de résolution, et d’identifier si celle-ci provient d’une limite intrinsèque au système ou d’une fluctuation autre, et donc corrigeable. Elle met également en lumière que, parmi les hypothèses théoriques avancées pour expliquer ces fluctuations de fréquence de résonance, aucune d’entre elles n’explique aujourd’hui le niveau constaté de ces fluctuations.      

L’équipe va donc poursuivre l’exploration de l’origine physique de ces fluctuations, au travers de diverses expérimentations dans le but d’améliorer drastiquement les performances de ses nano-résonateurs. ​

Ont également participé à cette étude l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL, Suisse), l’Institut indien des Sciences de Bangalore (Inde), ainsi que l’Institut californien de technologie (Caltech, États-Unis). Les auteurs ont bénéficié de financements de l’Institut Carnot du Leti (projet NEMS-MS) ainsi que de l’Union Européenne (bourse ERC Consolidator, projet Enlightened).

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