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Les Défis du CEA - 75 avancées qui changent nos vies

À l’origine de la médecine nucléaire française


​Le Service hospitalier Frédéric Joliot (SHFJ), unité de R&D créée en 1958 au sein de l’hôpital d’Orsay (Essonne), a lancé la médecine nucléaire française. Une aventure que nous raconte Vincent Lebon, chef du service.
Cette interview est extraite du numéro spécial des Défis du CEA, 75 avancées qui changent nos vies.

Publié le 8 janvier 2021

Comment se situe le SHFJ
dans la médecine nucléaire française ?

Cette discipline s'est en réalité construite au SHFJ. Elle consiste à utiliser des radiopharmaceutiques1 pour diagnostiquer et traiter diverses maladies, en association avec des moyens d'imagerie dédiés. Aujourd'hui encore, nous sommes un acteur majeur de la R&D française dans ce domaine. Nous développons des radiopharmaceutiques innovants, en accompagnant leur transfert vers les applications cliniques. Nous sommes aussi un service médical, qui dispense des actes d'imagerie pour la population Nord-Essonne.

1 - Radiopharmaceutique : Molécule contenant un isotope radioactif à vie courte. Injectée au patient, elle permet d’établir des diagnostics ou de soigner par radiothérapie.


Le CEA est donc aussi pionnier
dans la production de radio-isotopes et
de radiopharmaceutiques en France ?

Oui, via le SHFJ et le réacteur nucléaire Osiris, exploité à Saclay de 1966 à fin 2015. Osiris a produit des radio-isotopes émetteurs de rayonnements gamma pour la thérapie, mais a surtout été l'un des rares réacteurs au monde fournisseurs de molybdène 99, le précurseur du technétium 99m, utilisé dans 80 % des scintigraphies. Il a couvert à lui seul entre 5 et 12 % de la demande mondiale, selon les années. Le réacteur Jules Horowitz, en cours de construction au CEA de Cadarache, prendra la relève dès sa mise en service.

Au SHFJ, nous produisons des radio-isotopes un peu différents. Ce sont des émetteurs de positons (ou positrons) pour la TEP, comme le 11C et le 18F, produits grâce à un cyclotron. Ces isotopes à vie très courte sont ensuite greffés par radiochimie sur des molécules pour devenir des radiopharmaceutiques, injectés aux patients. Le plus emblématique d'entre eux est sans doute le 18FDG, glucose marqué au fluor 18, qui a révolutionné le diagnostic des cancers par la TEP (Tomographie par émission de positons). Le SHFJ a assuré pendant 10 ans, de 1998 à 2008, la totalité de la production francilienne de 18FDG, laissant aux industriels le temps d'investir dans des cyclotrons pour prendre le relais. Nous avons accompagné cette transition, tout comme la diffusion massive de la TEP (aussi appelée PET scan) à l'hôpital.

Vers quoi s'oriente-t-on en matière
de production de radiopharmaceutiques ?

L'avenir, c'est leur production automatisée et miniaturisée pour la TEP au plus près du patient, en allant jusqu'à la mise en seringue. Nous finissons d'installer actuellement iMiGiNE, le premier prototype de plateforme de production automatisée, conçu en partenariat avec l'industriel PMB. A terme, ce système permettra de fournir un large panel de radiopharmaceutiques personnalisés pour chaque type de maladie, en quelques minutes. Ce type d'équipement préfigure ce que sera l'hôpital de demain.


Pouvez-vous citer quelques exemples 
de radiopharmaceutiques innovants ?

Je citerai notre travail sur la fludarabine, ce médicament utilisé pour traiter la leucémie lymphoïde. Nos équipes de Caen ont eu l'idée de la marquer au fluor 18 et de l'utiliser pour diagnostiquer la maladie. Le procédé de marquage a été breveté en 2008 et transféré en 2019 à un industriel, qui devrait poursuivre sa mise en œuvre. Autre exemple avec le DPA-714, développé au SHFJ il y a une dizaine d'années. Ce composé se fixe spécifiquement sur les cellules gliales lorsque celles-ci sont dans un mode inflammatoire. Il sert à étudier le rôle très mal connu de l'inflammation cérébrale. Est-elle toxique ou protectrice pour le cerveau ? Des protocoles de recherche clinique sont en cours sur l'épilepsie, la maladie d'Alzheimer et la sclérose en plaques.


Comment voyez-vous l'évolution
de l'imagerie en clinique ?

L'avenir de la discipline à l'hôpital, c'est le PET scan, très supérieur à la scintigraphie en résolution d'images et sensibilité de détection, aujourd'hui associé au scanner (tomodensitométrie). La tendance est aussi au couplage de plusieurs types d'imagerie : TEP-IRM ou encore TEP-ultrasons (échographie). Les ultrasons donnent des informations par exemple sur la microvascularisation des tumeurs ou l'élasticité des tissus. L'idée est de multiplier les grilles de lecture, pour améliorer les performances en matière de diagnostic et de pronostic sur la réponse au traitement.


Examen en imagerie  TEP-IRM au SHFJ (2018). © L. Godart/CEA
Retrouvez cette interview
dans le hors-série des Défis du CEA :

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