Vous êtes ici : Accueil > Actualités & Communiqués > La propulsion nucléaire : un atout pour la France

Actualité | Défense &sécurité | Propulsion nucléaire

La propulsion nucléaire : un atout pour la France


​Aux côtés de ses partenaires institutionnels, le CEA, s'appuyant sur un tissu industriel expérimenté, fournit à la Défense des réacteurs de propulsion nucléaire, domaine hautement stratégique et riche en innovations. Par l’autonomie, la mobilité et la discrétion qu’elles permettent, les chaufferies nucléaires apportent à la Marine nationale un atout capital. Depuis la simulation du comportement des cœurs jusqu’à la mise à l’eau des navires, plongez à la découverte des chaufferies nucléaires embarquées.

Publié le 7 juillet 2025

​Un enjeu stratégique et industriel

Les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA), les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) et le porte-avion Charles de Gaulle forment un pilier essentiel de la stratégie de Défense française.

Aujourd’hui, aucun pays n’imagine exercer une capacité de dissuasion crédible depuis la mer sans sous-marin à propulsion nucléaire. Contrairement à la propulsion thermique, les « moteurs
nucléaires » ne « font le plein » de combustible qu’une fois tous les dix à vingt ans. La propulsion nucléaire est le seul moyen pour des sous-marins de porter des missiles stratégiques, comme les SNLE, ou de faire peser une menace crédible contre une force navale moderne, comme les SNA.

Elle offre la capacité de déploiements de très longue durée en autonomie complète, et une mobilité incomparable en regard
des sous-marins à propulsion « classique » contraints par des rechargements fréquents de batteries près de la surface, une
situation vulnérable. Pour les porte-avions tels que le Charles de Gaulle, la mobilité et l’indépendance qu’apporte la propulsion
nucléaire est un atout militaire essentiel.
Fournissant la vapeur pour la propulsion et la production d’électricité à bord, les chaufferies embarquées peuvent également assurer un pic instantané de puissance lors de manœuvres. Avec ses deux réacteurs, le Charles de Gaulle atteint sa vitesse maximale de 27 nœuds en seulement 7 minutes, contre plusieurs dizaines pour ses prédécesseurs.

Le porte-avions Charles de Gaulle 

Le porte-avions Charles de Gaulle © Marine Nationale/Défense



Plusieurs acteurs : une même volonté

Particularité française : ces chaufferies s’appuient sur un tissu industriel amont identique au nucléaire civil. C’est par
exemple le même circuit d’approvisionnement qui couvre les besoins en uranium faiblement enrichi de la propulsion nucléaire
et des réacteurs EDF. Idem pour certaines pièces métallurgiques, comme les cuves, qui sont fabriquées par les mêmes sous-traitants. « Ce tissu industriel 100 % français garantit notre souveraineté et maintient des emplois en France. Il nous oblige en contrepartie à planifier un bon enchaînement des programmes pour le soutenir dans la durée », décrit Laurent Sellier, directeur de la propulsion nucléaire à la Direction des applications militaires du CEA.

« La propulsion nucléaire est indispensable à la dissuasion française, en offrant à sa composante océanique autonomie, discrétion et souveraineté, rappelle-t-il. C’est un avantage opérationnel majeur, qui s’appuie sur le savoir-faire du CEA et que peu de pays possèdent. » À ce jour, on en dénombre six : Chine, États-Unis, France, Inde, Royaume-Uni et Russie.

En France, outre la Direction générale de l’armement (DGA) et la Marine nationale, ces programmes mobilisent le CEA et des industriels du nucléaire, dont Naval Group et TechnicAtome. Tout commence par l’expression des besoins côté Marine, qui doivent être traduits en termes industriels. 

Le CEA intervient alors comme maître d’ouvrage* et autorité de conception* des chaufferies nucléaires, avec le soutien du STXN*, alors que la DGA est maître d’ouvrage et autorité de conception de l’ensemble du navire. Côté industriels, TechnicAtome est maître d’œuvre* des chaufferies et des cœurs nucléaires ; Naval Group est maître d’œuvre de l’ensemble du navire et fournisseur du CEA pour la fabrication des gros composants de la chaufferie.

« Pour de tels programmes, l’organisation est intégrée », rappelle l’IG2A Régis Donati, directeur de l’unité de management Cœlacanthe de la DGA. « Un navire à propulsion nucléaire est un système complet, confirme Laurent Sellier. Tout doit être développé et pensé de concert. » Nucléaire et non-nucléaire y sont liés et, en conséquence, les acteurs le sont aussi.


Une technologie née au CEA Cadarache

La coopération entre le CEA et le ministère des Armées est historiquement régie au plus haut niveau de l’État et les chaufferies embarquées sont conçues sous la responsabilité du CEA depuis plus de 60 ans.

Au début des années 1960, tirant les leçons de l’échec du projet de sous-marin Q244 [chaufferie à uranium naturel et eau lourde, incompatible avec une intégration dans un sous-marin] et profitant de la fourniture d’uranium enrichi par les Américains, les équipes de Jacques Chevallier construisent la pile Azur sur le centre CEA de Cadarache, puis le premier prototype à terre d’une chaufferie nucléaire embarquée, le PAT. Ces installations, résultats d’une forte volonté politique, d’une solide ingénierie et d’une organisation sans
faille, sont complétées à Pierrelatte par une usine d’enrichissement d’uranium. Tout est alors sur les rails pour donner naissance à la
propulsion nucléaire française.

En 1969, le premier SNLE français, Le Redoutable, est achevé à Cherbourg. Depuis, plusieurs navires et différentes architectures de chaufferies lui ont succédé. À la fin des années 1970, avec les SNA de classe Rubis, la boucle primaire du réacteur est supprimée au profit d’un générateur de vapeur posé directement sur la cuve, au-dessus du cœur. Ce design unique au monde permet un gain de place majeur, même s’il oblige à déposer le générateur de vapeur pour accéder au cœur et changer le combustible. Il est, en outre, très favorable en termes de robustesse et de discrétion acoustique. Le modèle suivant, destiné aux SNLE de type Le Triomphant, améliore encore la discrétion acoustique et la durée de vie des cœurs, offrant une plus grande disponibilité.

Le Redoutable 

Commencée en 1964, la construction du premier SNLE, Le Redoutable, est achevée en 1969. Le bâtiment entre en service actif en 1971. © P. Ferrari ; P. Grocat / ECA / ECPAD


Pour l’avenir, les deux réacteurs qui équiperont le porte-avions nouvelle génération (PANG), actuellement en développement,
délivreront une puissance plus élevée. Ils serviront alors uniquement à produire de l’électricité : le système de catapultage des avions
sera électromagnétique, et les hélices seront entraînées par des moteurs électriques. La conception de ces chaufferies nécessite la
remise à niveau d’une partie des installations de Cadarache, notamment des boucles d’essais et de la pile Azur, sur laquelle sont testés tous les cœurs de la propulsion nucléaire depuis ses débuts.


Schéma du fonctionnement d'une chaufferie nucléaire

Schéma du fonctionnement d'une chaufferie nucléaire © CEA/Bear ideas




Un calendrier sur plusieurs décennies

« Toutes les innovations tiennent compte des retours d’expérience et de l’évolution des réglementations », confie l’IG2A Régis Donati. Si les situations d’intervention des navires se complexifient, l’environnement à bord également. La propulsion nucléaire fait appel à tous les domaines de l’ingénierie : matériaux, électronique,
chimie, métallurgie, physique... 

« Il y a un enjeu de compétences, reconnaît sans peine Laurent Sellier. Les concepteurs doivent maîtriser les connaissances accumulées pour toujours gagner en performance. »

Avec des programmes qui se succèdent sur des décennies, il faut garantir le maintien de ce savoir-faire durement acquis, du côté
industriel comme de celui de l’État, pour la réussite des programmes majeurs, SNLE 3G et PANG.

Sans tenir compte de la phase de conception, qui court sur plusieurs années, il faut en moyenne dix ans pour construire un sous-marin nucléaire. Par exemple pour le programme Barracuda, la commande des ébauches du 5e SNA de type Suffren a ainsi eu lieu en 2017, pour une livraison prévue en 2027. Après ce programme qui
doit s’achever vers 2030, et en parallèle de la construction du PANG, quatre SNLE de troisième génération (SNLE 3G) prendront la suite des SNLE de la classe Le Triomphant, avec des livraisons échelonnées jusqu’à 2050.

Pour ces derniers, « les études préliminaires et de préparation se
sont achevées en 2020, et l’approvisionnement pour certains éléments des chaufferies est déjà lancé, précise l’IG2A Regis Donati.
Le calendrier est pensé pour assurer un tuilage, navire pour navire, pour garantir le maintien de la dissuasion. »

En attendant leur remplacement, les chaufferies des actuels SNLE font l’objet de contrôles et d’améliorations durant les arrêts
techniques majeurs, dits « IPER » (« indisponibilité périodique pour entretien et réparation »). Ces IPER permettent d’effectuer des travaux de maintenance préventive et corrective sur de nombreux systèmes. Et tout cela sans oublier le désarmement et le
démantèlement des anciens navires ! Trois SNA de la classe Rubis ont été retirés du service actif depuis 2022. Des opérations qui
mobilisent, là encore, les équipes du CEA.


Quelques dates clés sur la propulsion nucléaire française

1962Démarrage de la pile Azur
Au début des anné es 1960, le CEA se voit confier la réalisation d’un prototype de « moteur atomique » pour sous-marin. Le 9 avril 1962, Azur produit ses premiers neutrons à Cadarache.
Pile expérimentale, elle accueille les futurs cœurs des réacteurs embarqués.
1964Divergence du PAT
Dans la continuité des travaux à Cadarache, un véritable Prototype à Terre (le «PAT») est construit à l’intérieur d’un tronçon de coque de sous-marin. Il s’agit alors du premier réacteur européen à eau légère pressurisée capable de délivrer de la vapeur à une machine.

1969Achèvement du SNLE Le Redoutable
Commencée en 1964, la construction du premier SNLE, Le Redoutable, est achevée en 1969. Le bâtiment entre en service actif en 1971.
1974Divergence de la CAP et programme de SNA Rubis
Pour les besoins du programme
de SNA Rubis, un prototype avec une architecture différente est construit à Cadarache : la Chaudière Avancée Prototype (CAP) qui diverge en 1974.
Le premier SNA de ce programme, le Rubis, est lancé en juillet 1979. Six bâtiments de cette classe seront fabriqués ; il s’agit des sous-marins nucléaires les plus compacts au monde.
1989Divergence du RNG
Pour développer de nouvelles chaufferies devant équiper la deuxième génération de SNLE et le porte-avions Charles de Gaulle, la CAP est mise à niveau et devient le Réacteur de Nouvelle Génération (RNG).
1993Mise à l’eau du SNLE
Le Triomphant
Premier SNLE de deuxième génération, Le Triomphant est mis à l’eau quatre ans après le début de sa construction, et rejoint la Force océanique stratégique en 1997. Alors que la classe Le Redoutable comportait six bâtiments, quatre SNLE de deuxième génération sont construits.
1999Premiers essais du porte-avions Charles de Gaulle
En parallèle du renouvellement des SNLE, la construction d’un porte-avions à propulsion nucléaire débute en 1987. Le Charles de Gaulle est officiellement armé en 2001.
La France est, à ce jour, la seule nation avec les États-Unis à maîtriser la conception et la mise en œuvre d’un tel navire.
2006Lancement en réalisation du programme Barracuda
Visant à remplacer les SNA de classe Rubis, le programme Barracuda livrera 6 SNA avant 2030
2018Divergence du RES
Réacteur expérimental, le RES (pour « réacteur d’essais») diverge en 2018. Il ne s’agit pas d’un prototype à terre à proprement parler mais d’un outil instrumenté pour étudier les combustibles
et les chaufferies embarquées.
2022Admission
du SNA Suffren
Premier navire du programme Barracuda, le SNA Suffren fait diverger sa chaufferie en 2019, avant des essais en mer l’année suivante et une admission au service actif en 2022. Trois bâtiments de la classe Suffren ont déjà été livrés à la Marine nationale et trois sont en cours de construction.


Haut de page

Haut de page