Vous êtes ici : Accueil > Actualités & Communiqués > Drainage des tourbières : estimation des émissions de carbone sur le dernier millénaire

Actualité | Communiqué de presse | Découvertes et avancées | Environnement | Agronomie

Drainage des tourbières pour l’agriculture : estimation des émissions de carbone sur le dernier millénaire


​Une équipe internationale pilotée par INRAE et le CEA, impliquant le CNRS, l’Université Paris-Saclay, AgroParisTech et l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines , a développé un modèle qui a permis d’estimer, pour la première fois, les émissions de carbone historiques dues à la conversion de tourbières naturelles en terres cultivables entre les années 850 et 2010. Leurs résultats, publiés le 4 juin dans Science Advance, montrent que, sur cette période, 72 milliards de tonnes de carbone ont été émises par la conversion de tourbières en terres à usage agricole dans l’hémisphère nord. Ils indiquent également que seulement la moitié de ces émissions a été compensée par l’absorption continue du carbone par les tourbières restées naturelles de l’hémisphère nord.

Publié le 7 juin 2021

Les tourbières sont les écosystèmes terrestres qui stockent le plus de carbone dans le monde. Dans leurs sols continuellement gorgés d’eau, les matières organiques issues des plantes ne se décomposent que partiellement et le carbone s’accumule les sols sur le long terme. Les tourbières naturelles influencent ainsi le climat en captant le dioxyde de carbone de l’atmosphère grâce à la photosynthèse et au piégeage le carbone organique dans les sols, représentant un tiers du stock de carbone des sols mondiaux et limitant ainsi l’effet de serre et le réchauffement de l’atmosphère. Cependant le drainage artificiel des tourbières - pour l’agriculture, la sylviculture ou assainir ces milieux - aère leurs sols et augmente la décomposition de la matière organique et, par suite l’émission de carbone dans l’atmosphère.


Les tourbières sont une pièce manquante et pourtant majeure dans la connaissance du cycle du carbone. On disposait en effet jusqu’alors de peu de données pour caractériser la quantité de carbone émise suite à leur drainage pour leur conversion en terres cultivables durant l’expansion historique de l’agriculture.

Un modèle de simulation des émissions de carbone des tourbières


L’équipe de recherche a construit un modèle de simulation des sols qui intègre les processus hydriques mis en jeu dans les tourbières, et ceux liés au stockage de carbone contenu dans ces sols riches en matières organiques. C’est un des premiers modèles qui permet de simuler le fonctionnement des tourbières, leur conversion en terres cultivables et les émissions de carbone qui en résultent. Les scientifiques l’ont utilisé pour évaluer l’évolution dans le temps des émissions de carbone des terres cultivées après le drainage initial des tourbières. Si des quantités élevées de carbone peuvent être émis dans les premières années suivant le drainage, ils diminuent avec le temps passant de taux d’émission d’environ 20 tonnes de carbone par hectare et par an dans les sept premières années à 5 tonnes de carbone par hectare et par an au bout de vingt-cinq ans environ. Cette réduction s’explique par la diminution du stock de matières organiques disponibles dans les sols.

L’étude montre que les tourbières converties en terres cultivables dans l’hémisphère nord ont émis 72 milliards de tonnes de carbone entre les années 850 et 2010, dont 40 milliards entre 1750 et 2010. Et la moitié seulement de ces émissions est compensée par l’absorption naturelle du carbone dans les tourbières intactes. Cela remet en cause les estimations antérieures des émissions de carbone historiques causées par les changements d’usage du sol dans le monde qui n’intégraient pas jusque-là ces données. Les émissions de carbone causées par le drainage des tourbières sont une source d’inquiétude pour les budgets carbone  des différentes nations et les trajectoires futures des émissions de gaz à effet de serre. Cette étude apporte de nouvelles données pour mieux évaluer aujourd’hui le budget carbone disponible à l’échelle mondiale et réduite ainsi les incertitudes des modèles climatiques globaux.



Haut de page