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Les Défis du CEA - 75 avancées qui changent nos vies

Interconnecter les réseaux d’énergie


​Témoins privilégiés des besoins énergétiques de la France depuis 75 ans, les équipes du CEA ont développé une approche intégrée du mix énergétique décarbonné que nous relate Patrice Tochon, chef de programme à la Direction des énergies du CEA.
Cette interview est extraite du numéro spécial des Défis du CEA, 75 avancées qui changent nos vies.

Publié le 11 décembre 2020

​En quoi consiste la vision intégrée des réseaux d’énergie promue par le CEA ?


Elle part du constat que les trois réseaux d’énergie (chaleur, gaz et électricité) sont à la fois centralisés pour la production et déconnectés les uns des autres concernant les usages. Or, cela doit changer. D’une part, les énergies renouvelables, par nature intermittentes et décentralisées, auront demain une part importante dans le mix énergétique. D’autre part, tout le monde pourra produire de l’énergie et donc en injecter dans le réseau. Enfin, si à un moment donné il y a une inadéquation entre la demande et l’offre, il faudra être capable de convertir l’énergie excédentaire (par exemple l’électricité) en un autre vecteur (chaleur, ou gaz hydrogène) pour délester, stocker et in fine éviter tout black out. L’enjeu est de décloisonner ces réseaux et repenser leur pilotage à l’échelle locale, en partant des usages.

Quels exemples préfigurent cette approche ?

Il y a le concept du power-to-heat (électricité-chaleur) qui consiste, par exemple, à convertir les surplus d’électricité photovoltaïque sous forme de chaleur utile aux bâtiments, via des pompes à chaleur, et à recourir à du stockage thermique lorsque ces bâtiments n’ont en pas besoin. C’est ce que nous expérimentons depuis 6 ans avec la Compagnie de chauffage de Grenoble, au niveau du pilotage « intelligent » du réseau de chaleur local.
De même, avec le power-to-gas (électricité-gaz), et dans le cadre du projet Ghryd initié à Dunkerque en 2014, il s’agit de produire de l’hydrogène, à partir d’électricité éolienne, et de l’injecter (à hauteur de 20 %) dans un réseau de gaz naturel pour alimenter à la fois des flottes de bus municipaux et des gazinières de bâtiments locaux.


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Démonstrateur de power-to-gas dans le cadre du projet Ghryd à Dunkerque. © Ghryd


Comment le CEA peut-il se positionner en intégrateur d’énergies ?

Nous sommes le seul organisme français à mener de la recherche appliquée sur les technologies des trois vecteurs énergétiques.
Sur l’électricité évidemment, à travers nos recherches sur le nucléaire, le solaire, les batteries. Au niveau de la chaleur, les développements portent sur des composants tels que échangeurs, pompes à chaleur, stockage thermique. Quant au gaz, nous nous y intéressons à travers la production d’hydrogène décarboné par électrolyse de l’eau et à sa combinaison avec du CO2 pour synthétiser des molécules d’intérêt comme du méthane. Sans compter que nous avons un savoir-faire global en termes de simulation numérique qui nous rend légitime pour le pilotage de systèmes complexes.

Quels scénarios sont entrevus pour l’interconnexion des réseaux dans le futur ?

Il y aura plusieurs temporalités. A court terme, il s’agit de mettre en place un pilotage plus intelligent des réseaux en adéquation avec la demande. A moyen terme, il faudra généraliser le stockage d’énergie en créant des ponts entre les trois vecteurs. Enfin, à partir de 2035, deux nouveaux éléments s’ajouteront à cette vision : la massification du véhicule électrique, les objectifs nationaux en prévoyant 5 millions d’unités à l’horizon 2028 ; et la production industrielle d’hydrogène décarboné par électrolyse. Les voitures électriques à l’arrêt pourront alors participer au délestage du réseau, via leurs batteries, et renvoyer des électrons vers le réseau en cas de besoin, grâce à des bornes bidirectionnelles. Quant au vecteur hydrogène, il permettra non seulement d’absorber les surplus d’électricité mais aussi d’en produire quand elle manque par l’intermédiaire de piles à combustible, selon un processus réversible de power-to-power (électricité-électricité).

Retrouvez cette interview
dans le hors-série des Défis du CEA :

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