Nos méthodes et nos outils
Pour mener à bien ses travaux de recherche, l'Institut I-Tésé s'appuie sur un socle de modèles, de données et d'approches quantitatives développées au sein du CEA ou par des partenaires.
Les modèles
Au sein d'I-Tésé, une équipe est dédiée à la modélisation. Les travaux de l'équipe contribuent à améliorer, sous un angle économique et quantitatif, la compréhension des
sentiers de transition énergétique, identifier les
stratégies technologiques, politiques et industrielles adaptées pour parvenir à un avenir énergétique
durable, sûr et résilient aux niveaux français, européen et mondial. Pour cela, les différents projets impliquant l'équipe concernent la
modélisation énergie – économie – environnement, appuyée par des compétences technico-économiques, et la mise en œuvre de
techniques de scénarios pour explorer la transformation des systèmes énergétiques.
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En tant qu'équipe transverse au sein d'I-Tésé, elle contribue à l'ensemble des thématiques de recherche du laboratoire, en éclairant les enjeux technologiques, économiques et environnementaux de la transition énergétique, notamment sur :
- Les marchés de l'énergie et la diffusion de l'innovation technologique
- L'intégration et la flexibilité des systèmes énergétiques
- Les ressources pour la transition énergétique
- La réglementation, les politiques énergétiques et environnementales (prix, quantités), les plans nationaux et régionaux etc…
En parallèle de ces activités, l'équipe travaille de manière transverse à l'identification, au développement et à l'intégration de techniques de modélisation innovantes visant, notamment, à
mieux comprendre et interpréter les modèles et scénarios complexes, et informer la décision stratégique publique et industrielle de manière plus robuste. Elle se repose pour cela en particulier sur des méthodes récentes empruntées à la recherche opérationnelle (dont la modélisation dans l'incertain), le Machine Learning (pour l'explicabilité) et le calcul intensif.
L'équipe assure la maintenance et le développement de plusieurs modèles de grande taille pour :
- L'analyse de
court terme du système électrique (UCED – Unit Commitment and Economic Dispatch), basée sur le générateur de modèles
Antares (plusieurs modèles) .
- La prospective de
long terme du système énergétique global (multicommodités, multirégional, multisectoriel), basée sur les générateurs de modèles
ETSAP-TIMES et
Energyscope (plusieurs modèles) ; ou de systèmes énergétiques couplés (par exemple, électricité et chaleur), basée sur le générateur de modèles
CAIRN.
Elle travaille également au développement de
modèles ad-hoc, par exemple des options réelles ou le commerce international des commodités énergétiques, avec des outils commerciaux (GAMS, CrystalBall) ou open-source.
Focus particuliers
Projet ESMOD
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Pour mener à bien certaines études, I-tésé souhaitait disposer d'un modèle de marché du système électrique Européen. Le modèle ESMOD, pour European Electric System Modelling, a donc été développé par Itésé depuis 2019. Ce modèle est basé sur les données des études européennes (ERAA et
TYNDP) des gestionnaires de réseaux européens (ENTSO-e) et le logiciel open-source de
RTE ANTARES Simulator.
En général, les outils de simulation de marché ne sont pas destinés à modéliser le comportement des acteurs du marché ou les enchères optimales, mais plutôt à simuler les coûts marginaux de l'ensemble du système et des différentes zones de marché. L'hypothèse principale est que le marché est parfaitement concurrentiel et qu'il n'y a pas de comportements stratégiques. Par conséquent, les coûts marginaux sont représentatifs des prix.
Le marché est modélisé comme un marché de gros parfait, comme si toute l'énergie était vendue sur une base quotidienne. Ainsi, les outils calculent les coûts marginaux dans le cadre du résultat d'un problème de minimisation des coûts du système. Ce problème mathématique, également connu sous le nom d'« Engagement optimal des unités et répartition économique » (UCED « Optimal Unit Commitment and Economic Dispatch »), est souvent formulé sous la forme d'un problème de programmation linéaire mixte en nombres entiers (MILP) à grande échelle. En d'autres termes, le programme tente de trouver la solution la moins coûteuse tout en respectant toutes les contraintes opérationnelles (par exemple, les rampes de puissance, le temps minimum des paliers, les limites de capacité de transfert, etc.). Afin d'éviter les solutions infaisables, les contraintes sont très souvent modélisées comme des contraintes « douces », c'est-à-dire potentiellement non respectées au prix d'une pénalité élevée en termes de coût.
En plus de prendre en compte les contraintes liées aux moyens de production, ces outils peuvent aussi intégrer les contraintes du réseau électrique avec un niveau de détail variable. Actuellement, pour les études de marché à l'échelle régionale ou paneuropéenne, l'approche standard repose sur le couplage de marché basé sur la capacité de transfert nette (NTC). Cela signifie que les contraintes du réseau ne sont pas modélisées en détail, mais sont simplement représentées comme des limites sur les échanges d'électricité entre les différentes zones de marché (ex : limite de capacité d'échange d'électricité entre la France et l'Espagne).
Aujourd'hui le modèle ESMOD est utilisé entre autres au sein d'Itésé pour étudier la flexibilité du parc nucléaire français, l'effet sur le système électrique des changements des profils de demande d'électricité à l'horizon 2050 ou encore le besoin en infrastructure selon le développement de la demande en hydrogène.
Développement de compétences en modélisation prospective bottom-up de type TIMES
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Les enjeux globaux de ce siècle, en particulier énergétique et environnementaux, nécessitent de prendre des décisions de long terme dans un environnement toujours plus complexe, incertain et empreint de transformations rapides. Pour satisfaire ce besoin d’anticipation, la modélisation prospective est un outil toujours précieux pour l’accompagnement des décideurs publics comme privés, en permettant d’éclairer des futurs possibles. Cependant, ces outils doivent eux aussi évoluer pour répondre au mieux à de nouvelles questions et besoins qui leurs sont adressés.
Le projet TIMES se situe à l’interface de ce double enjeu de pertinence des méthodes et d’impact des résultats. Il a pour objectif principal d’étudier la transformation des systèmes énergétiques dans une perspective globale et holistique, en s’interrogeant sur la pertinence économique, environnementale et stratégique des technologies et ressources de l’énergie dans un contexte de nécessaire décarbonation de l’économie mondiale. Il devra accorder une importance croissante aux transferts d’impacts (ressources en particulier), aux nouvelles contraintes (géopolitiques), à l’imperfection des marchés ainsi qu’à l’incertitude. Pour cela, il mettra en œuvre des méthodes innovantes issues de la recherche opérationnelle et du machine learning, de l’ingénierie, et de l’économie, pour contribuer à faire évoluer les outils et produire des éléments d’analyse économique tangibles et robustes pour l’aide à la décision.
Ce projet s'appuie sur le modeleur TIMES (The Integrated MARKAL-EFOM System’’), modèle technico-économique d’optimisation des systèmes énergétiques été développé par l’Agence Internationale de l’Énergie à travers le programme ‘’Energy Technology System Analysis Program’’ (ETSAP). L’approche de modélisation des systèmes énergétiques est de type Bottom-Up. Il permet une représentation technologique assez précise et détaillée avec une structure modulaire des marchés énergétiques intégrés (modules de ressources, conversion, transport-distribution, stockage et end-users).
Développements en dynamique des systèmes
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La dynamique des systèmes complexes est née vers la fin des années 50 au MIT (Massachusetts Institute of Technology) sous l’impulsion du Pr Jay Forrester, par similitude entre d’une part les comportements économiques et/ou financiers des entreprises, d’autre part les systèmes physiques et électroniques asservis, transposant à l’entreprise les techniques d’analyses des phénomènes physiques.
Au cœur des systèmes complexes figurent les boucles de rétroaction. Elles décrivent comment une variable impacte une autre, qui affecte à son tour la variable initiale : les rétroactions positives amplifient les phénomènes, tandis que les rétroactions négatives contribuent à la régulation.
Evidemment, dès qu’apparaissent des interconnexions entre boucles ou si certaines relations entre variables comportent des délais ou des éléments non linéaires, les effets deviennent non intuitifs. D’où la démarche de la modélisation des systèmes complexes à l’aide de logiciels tels que
STELLA et
VENSIM.
Les modèles peuvent prendre en compte des variables très diverses : physiques, économiques, financières, sociologiques, psychologiques et physiologiques, quantitatives et qualitatives. Voici quelques exemples de phénomènes que l'on peut modéliser avec la dynamique des systèmes :
- Cycles économiques : Les fluctuations de l'économie, comme les récessions et les périodes de croissance.
- Écosystèmes : Les interactions entre les espèces dans un écosystème, comme la prédation et la compétition.
- Systèmes de contrôle : Les mécanismes de régulation dans les machines et les processus industriels.
- Propagation des maladies : La manière dont les maladies se propagent dans une population et les effets des interventions de santé publique.
- Gestion des ressources : L'exploitation durable des ressources naturelles, comme les forêts et les poissons.
A I-Tésé, la dynamique des systèmes complexes est, à ce jour, essentiellement utilisée pour la problématique des ressources tant dans le domaine du nucléaire (uranium et plutonium) que dans le domaine des batteries (lithium , cobalt…).
Quelques projets emblématiques incluant la modélisation :
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Projet CrossHy : Cross-border Energy infrastructures Implementtion Pathways for Synergetic Solutions in French-German Hydrogen Supply.
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Projet GetMoreH2 : Geopolitics of the energy Transition and Economic and Social Modeling of Hydrogen) avec l'IFPEN.
Les bases de données
Le CEA a mis en place une plateforme de données technico-économiques et ACV (Analyse Cycle de Vie) des filières Energie : la
plateforme ABTEC. Elle centralise les données techniques, économiques et environnementales des principales
filières énergétiques étudiées au CEA, issues de projets nationaux et européens et d’un travail de bibliographie continu sur les filières.
ABTEC a été développée grâce à la contribution d’experts de l’I-Tésé, du
LITEN, de l’
IRESNE, de l’
ISEC, de l’
ISAS et de la
PRTT Occitanie (plateforme régionale de transfert technologique).
Conçue pour faciliter la capitalisation des savoirs et l’harmonisation des analyses, ABTEC constitue aujourd’hui la référence commune pour toutes les équipes du CEA impliquées dans les études énergétiques. Les données ABTEC sont déjà mobilisées dans de nombreux projets nationaux et européens.
Chaque année, l’équipe ABTEC publie une nouvelle édition actualisée, intégrant les évolutions technologiques, économiques et géopolitiques du secteur énergétique mondial.
Les données sont rigoureusement validées selon un processus approuvé par le Conseil scientifique de la DES, Direction des Energies.
Économétrie
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Expériences de choix discret (DCE)
I-Tésé utilise cette méthode issue des sciences économiques pour inférer la disposition à payer ou à accepter des individus, c’est-à-dire la valeur monétaire qu’ils accordent aux différents attributs d’un choix (prix, temps, émissions de CO₂, etc.). Elle consiste à présenter aux participants plusieurs scénarios composés d’options avec des caractéristiques variables. En observant leurs choix, cette méthode permet également de quantifier des élasticités prix et croisés, mesurant comment les variations des attributs influencent les décisions. Les DCE peuvent aussi intégrer des variables latentes, qui sont des facteurs psychologiques non directement observables, comme les perceptions ou motivations des individus. Ces variables latentes, issues de la psychologie, complètent les attributs mesurables et permettent de mieux comprendre pourquoi les décisions réelles peuvent différer des modèles théoriques purement économiques. En prenant en compte ces dimensions cachées, les DCE offrent une vision plus fine des comportements, ce qui aide à concevoir des politiques publiques plus adaptées et acceptées.
I-Tésé, en collaboration avec la
Chaire TRAVEL, mène une étude de choix discrets qui analyse les préférences de transport longue distance. Cette approche d’analyse économique et comportementale intègre à la fois des variables latentes liées aux perceptions individuelles et des attributs objectifs tels que le coût, le temps de trajet ou les émissions de CO₂, afin d’éclairer les arbitrages effectués par les voyageurs.
L’évaluation d’impact vise à mesurer l’effet direct, ex post, d’une politique ou d’un programme sur un phénomène économique en établissant un lien de causalité robuste. Elle est essentielle pour évaluer l’efficacité et l’équité des dispositifs existants, notamment lorsque la participation n’est pas aléatoire mais influencée par des facteurs difficiles à observer. Cette méthode cherche à établir un lien de cause à effet robuste en utilisant des techniques comme les doubles différences ou la régression sur variables instrumentales, permettant d’isoler l’impact spécifique de l’action.
I-Tésé mène une étude sur l’effet causale de l’expansion des renouvelables et des échanges transfrontaliers en France sur les prix d’électricité, production des autres moyens technologies et émissions (travail en cours).
Cette approche statistique étudie des corrélations ou associations entre variables économiques sans forcément pouvoir établir une relation causale. Elle sert à analyser des tendances, faire des prévisions ou décrire des comportements à partir de données observées, mais ne permet pas de conclure directement un effet causal.
A I-Tésé une thèse sur l'analyse de l’intégration des énergies renouvelables intermittentes sur différentes dimensions (volume, niveau et volatilité du prix) des marchés d’équilibrage de l’électricité (intraday et réserves) est en cours. (voir nos thèses)
Les implications des parties prenantes
I-Tésé s'inscrit dans une démarche d'inclusion des parties prenantes dans ses recherches. Cela se traduit notamment au travers :
- d'expérimentations en économie comportementale
- d'enquêtes terrain
- d'ateliers de sciences participatives (démarche de
Living Lab)
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Enquêtes de terrain et ateliers de science particpatives
Details
Les enquêtes de terrain ou ateliers de sciences participatives sont effectués par des partenaires ou prestataires dans le cadre de projets précis. Nous pouvons citer par exemple :
- l'étude SISYPHE : une enquête auprsè de plus de 70 industriels français et européens a été effectuée afin de mieux comprendre la dynamique de la demande européenne en hydrogène électrolytique bas carbone d’ici 2040. Ces enquêtes ont été effectuées par nos chercheurs et par un prestataire.
- L'observatoire
Prométhée : des enquêtes auprès des ménages et des ateliers de sciences particpative réalisées au
Dôme de Caen ont été mis en place afin de mieux comprendre les gestes d'adaptation aux crises énergétiques et les chemins possibles pour actionner les leviers de sobriété. Ces enquêtes et ateliers ont été effectués par l'équipe de sociologues du
laboratoire CERREV de l'Université de Caen, partenaires d'I-Tésé dans le cadre de Prométhée. I-Tésé a participé à plusieurs ateliers.
- Le
projet SPECULAR : un des axes forts du projet SPECULAR (PEPR SPLEEN : options de décarbonation de l'industrie basées sur la sobriété) est l'implication d'un large éventail de parties prenantes dans le processus de décarbonisation, notamment des leaders industriels, des acteurs des politiques publiques et des militants pour la transition. Ces parties prenantes seront mobilisées par le biais d’enquêtes de terrain pour les études de cas, la mise en œuvre de l’approche
Living Lab pour renforcer l’opérationnalité des résultats et la création d’un comité des parties prenantes. Les enquêtes et les Living Labs sont mis en place et supervisés par les équipes de sociologues du laboratoire CERREV de l'Université de Caen et des Mines Paris, partenaires d'I-Tésé dans le projet. I-Tésé participera aux ateliers et à la construction des grilles d'entretien ainsi qu'à leur analyse.
Par ailleurs, I-Tésé s'intéresse aux comportements des acteurs (ménages, entreprises, pouvoirs publics) afin de décrypter et anticiper leurs décisions dans le système énergétique dans le cadre d'expérimentations en
économie comportementale.
Analyse du corpus règlementaire et juridique
La recherche en sciences juridiques à I-Tésé vise à analyser la manière dont le droit peut accompagner et encadrer les transformations sociétales liées à la transition énergétique, et plus particulièrement à la sobriété énergétique.
Elle repose sur une double approche.
- D'une part, une analyse approfondie et systématique des textes juridiques – nationaux, européens et internationaux – permet d'identifier, de classer et de caractériser les différents instruments normatifs mobilisés afin d'en comprendre la logique, les objectifs et la cohérence.
- D'autre part, la recherche s'attache à étudier l'effectivité de ces normes, c'est-à-dire leur mise en œuvre concrète et leurs impacts réels, à travers des méthodes d'inspiration empirique issues notamment de la sociologie du droit.
Ces travaux se nourrissent également d'approches interdisciplinaires innovantes, associant le droit à d'autres champs de connaissance comme l'économie, les sciences politiques ou la modélisation. Ces approches croisées permettent d'évaluer les effets concrets des instruments juridiques, d'examiner leur cohérence avec d'autres politiques publiques et d'imaginer de nouveaux outils normatifs adaptés aux objectifs de sobriété énergétique.
Ainsi, la recherche en droit dans ce champ ne se limite pas à une étude théorique des textes, mais participe pleinement à une entreprise collective d'analyse et de conception de cadres juridiques capables d'accompagner la transition vers une société plus sobre et durable.
Veille
Un des objectifs de l’institut est d’apporter des éléments de prospective et d'analyse permettant de consolider la stratégie de recherche de l'organisme dans le domaine de l'énergie et d’éclairer les décideurs publics ou privés. L’observation et l’analyse des tendances et de leurs évolutions sur le sujet de la transition énergétique sont donc d’un intérêt primordial pour l’institut. C’est pourquoi une veille sur le sujet a été mise en place depuis septembre 2022.
Pour en savoir plus sur notre méthodologie de veille et sa valorisation (notamment via nos revues de presse), notre processus a été présenté lors du 17e Congrès sur l'Intelligence Économique et Stratégique organisé par l'association 3AF en 2024.
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Lire l'article de présentation de la méthodologie de veille