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DECRYPTAGE - L'OEIL DE L'EXPERT

Hausse des prix des énergies : quels leviers pour y faire face ?


Alors que les prix du gaz et de l’électricité connaissaient déjà fin 2021 une envolée sans précédent, la guerre en Ukraine a accentué plus encore cette hausse. Le point avec David Proult, économiste à l’I-Tésé, l’institut de recherche et d’étude en économie de l’énergie du CEA.

Publié le 20 avril 2022

Quel est pour vous l’impact de la guerre en Ukraine sur les prix des énergies ?

La guerre en Ukraine a débuté à une période où les prix du gaz naturel et de l’électricité étaient déjà significativement élevés. La crise sanitaire avait provoqué un ralentissement du marché et une baisse de la production. La reprise économique, lors de la levée progressive des restrictions, a été plus rapide que prévue, avec notamment une forte demande gazière en Asie. Ceci a généré un décalage entre l’offre et la demande et donc une augmentation des prix dès la mi-2021 qui s’est poursuivie début 2022. En janvier 2022, le prix du gaz sur le marché européen fluctuait entre 75 et 90 € /MWh contre moins de 20 €/MWh un an auparavant.

C’est dans ce contexte de prix toujours élevés en février 2022 qu’a débuté la guerre en Ukraine, avec un effet immédiat sur les prix du gaz et du pétrole, notamment pour les marchés spot (marché avec des transactions au jour le jour). Les prix ont alors bondi, le pic ayant été atteint autour du 8 mars, avec un prix inédit de 250 € /MWh pour le gaz. Soit pas loin d’un triplement du prix par rapport à janvier 2022 ! Le même jour, le baril de pétrole était à 133 dollars alors qu’il était en janvier à 80 / 90 dollars. Depuis, les prix ont baissé, mais que ce soit pour le pétrole ou pour le gaz, ils ne sont pas encore revenus à la situation d’avant conflit ni même aux niveaux du début de l’année.

Avec pour perspective la limitation de l’approvisionnement en gaz et en pétrole, le conflit en Ukraine a ainsi jeté le doute sur la capacité de l’offre à répondre à la demande, provoquant encore plus de décalage offre / demande, un déséquilibre du marché et une envolée des prix. D’autant que l’Europe est très dépendante du gaz russe.

Le prix de l’électricité a connu exactement la même évolution que celui du gaz. Le prix du gaz influence en effet énormément celui de l’électricité, les centrales à gaz étant les dernières unités de production à être mises en service pour permettre d’assurer l’équilibre offre / demande. Aujourd’hui, les prix de l’électricité oscillent entre 200 et 300 € /MWh, alors qu’avant la crise ukrainienne, ils étaient de l’ordre de 130 € / MWh.

Quelles sont vos projections à court et moyen termes ?

Tous les éléments laissent présager, et les marchés l’anticipent, un maintien à un niveau élevé des prix des énergies. Avec donc un impact in fine sur les factures d’électricité et de gaz des consommateurs et des entreprises. Impact actuellement contenu en France via la mise en place par le gouvernement d’un bouclier tarifaire bloquant la hausse des tarifs réglementés de l’électricité et du gaz, pour les ménages et pour les entreprises les plus exposées à cette flambée des prix.

Dans quelle mesure l’Union Européenne est-elle dépendante du gaz russe ? Et la France ?

Sur l’ensemble de la consommation de gaz des pays membres de l’Union Européenne (UE), 41 % est du gaz russe. En Allemagne comme en Italie, plus de 50 % de la consommation de gaz provient de la Russie. La France est beaucoup moins dépendante du gaz russe, celui-ci représentant moins de 20 % de ses importations. Le gaz naturel importé en France provient principalement de Norvège (36 %).

Quels sont les leviers pour gagner en indépendance énergétique et de ce fait, ne plus subir cette flambée des prix des énergies ?

La guerre en Ukraine rappelle combien la dépendance physique aux énergies fossiles est aussi une dépendance aux évolutions des prix de marché.

Pendant très longtemps, pour limiter l’impact des fluctuations de marchés sur les économies, les contrats de fournitures de gaz à long terme portaient sur des volumes et des prix encadrés. Depuis la libéralisation des marchés, les prix des contrats long terme sont pour l'essentiel fixés par les prix de marché de gros.

En décidant de réduire de deux tiers les importations de gaz russe d'ici la fin de l'année, l'Union Européenne a déjà fait le choix d'intervenir dans des relations bilatérales et de se substituer aux acteurs de marché.

Une intervention encore plus importante pourrait faire sens, de manière à ce que l'ensemble des contrats de long terme contribuent à nouveau à la sécurité des approvisionnements de l'Europe, tant en volume qu'en prix. Ce pourrait être le cas en réintroduisant des « mécanismes de solidarité » entre acheteurs et producteurs qui permettent de lisser, encadrer et borner les évolutions des prix.

Au-delà de ces questions d’organisation des marchés et pour ne plus en subir les fluctuations, il faut également sortir de notre dépendance aux énergies fossiles. Les leviers à mobiliser sont les même que ceux que le GIEC nous incite à mettre rapidement en œuvre pour limiter le réchauffement climatique. Ils sont connus. Il s’agit de gagner en efficacité énergétique, en isolant mieux les bâtiments par exemple, d’aller vers plus de sobriété dans nos comportements et nos modes de vie, d’augmenter la part de l’électricité décarbonée dans le mix énergétique au détriment des énergies fossiles. Nous avons aussi besoin de développer d’autres solutions énergétiques, comme l’hydrogène décarbonée, la capture et la valorisation du CO2 pour en faire notamment du carburant de synthèse, des actions dans lesquelles le CEA est mobilisé dans le cadre de ses programmes de recherches sur les énergies bas carbone. Le CEA contribue également à l’optimisation de la production de gaz 100 % renouvelables dans le cadre d’un partenariat avec GRDF.

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