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Mécanismes moléculaires | Imagerie cellulaire et moléculaire

Formation de rouleaux nanométriques par interactions électrostatiques entre peptides et lipides


En étudiant l’auto-assemblage d’un peptide dérivé d’une hormone en présence de membranes lipidiques, une équipe du SB2SM (Institut Joliot/I2BC) en collaboration avec l’Université de Rennes 1 et le laboratoire Ipsen, montre comment les interactions de type électrostatique modifient les structures des assemblages formés par chacune de ces molécules seules en solution.​

Publié le 23 septembre 2019

​L’un des phénomènes pathologiques bien décrit dans les maladies d’Alzheimer, de Parkinson ou de Huntington est l’accumulation dans le cerveau de protéines qui, en acquérant une mauvaise conformation s’agrègent au point de former des « plaques » ou des fibres. Dans le cas de la maladie d’Alzheimer, le peptide bêta-amyloïde, produit par clivages successifs de la protéine membranaire APP, adopte rapidement après sa production une conformation qui lui confère la capacité de s’auto-assembler, d’abord en oligomères puis en fibres et en plaques. Mais des facteurs environnementaux, comme la proximité de membranes cellulaires, influencent cet auto-assemblage. On sait par exemple que le ganglioside GM1 (un glycosphingolipide) augmente le taux d’oligomérisation du peptide bêta-amyloïde.

Comment expliquer cette influence ? Quelles sont les interactions membrane / peptide qui favorisent ou déstabilisent une telle organisation ? Une équipe de l’I2BC étudie les mécanismes d’auto-assemblage peptidique et les facteurs physico-chimiques qui les gouvernent. En collaboration avec l’Université de Rennes 1, Ipsen et le Synchrotron Soleil, ils ont étudié l’influence de membranes lipidiques sur l’auto-assemblage du lanréotide. Cet analogue thérapeutique de l’hormone somatostatine est un oligopeptide de huit acides aminés chargé positivement. Dans l’eau, le lanréotide forme des nanotubes creux de diamètre parfaitement monodisperse[1] dont la paroi cristalline est formée par une bicouche de peptides. Les surfaces de la bicouche sont hydrophiles et son cœur hydrophobe. Ce peptide est un modèle unique pour étudier et comprendre l’influence de paramètres physicochimiques environnant sur le processus d’auto-assemblage : la structure des nanotubes de lanréotide est parfaitement connue et caractérisée et sa moindre modification est facilement identifiable et caractérisable.

Dans un article publié dans Langmuir, les chercheurs montrent que l’interaction entre le peptide dicationique et des membranes chargées négativement (sous forme de liposomes) induit la formation de structures auto-assemblées, dont la morphologie dépend du rapport entre les charges positives du lanréotide et celles négatives des lipides de la membrane. En fonction de ce rapport entre charges, l’interaction entre le lanréotide et les liposomes provoque successivement l’éclatement des liposomes, l’empilement de lamelles alternativement formées de bicouches lipidiques et de bicouches peptidiques et l’enroulement de ces multilamelles pour former, dans des conditions proches de l’électroneutralité une structure semblable à des « rouleaux de parchemin » d’échelle nanométrique, des « nanoscrolls ». La résolution de la structure moléculaire de ces assemblages complexes montre comment l’interaction électrostatique forte entre ces deux types de molécules modifie les structures qu’elles forment indépendamment en solution.

Ces « nanoscrolls » ne sont pas sans rappeler la gaine de myéline, structure lamellée qui entoure les axones de certains neurones et qui résulte de la superposition de plusieurs tours de membrane plasmique d’une cellule de Schwann. Les protéines membranaires et les protéines intracytoplasmiques qui sont directement impliquées dans le compactage serré de la membrane de la cellule de Schwann sont chargées positivement. Et les forces qui gouvernent ce compactage sont essentiellement électrostatiques. L’étude montre ainsi que le lanréotide constitue un modèle simple pour l’étude non seulement de la structure des auto-assemblages peptidiques mais aussi des mécanismes de leur formation ainsi que des paramètres pouvant déstabiliser ces édifices supramoléculaires.


[1] les diamètres des milliers de nanotubes sont tous rigoureusement identiques. 


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