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Régulation de l’ATPase Ca2+ par la sarcolipine : un effet à longue distance


En combinant dynamique moléculaire et expériences in vitro, des chercheurs du Laboratoire des protéines et des systèmes membranaires (LPSM, I2BC/CEA-Joliot) lèvent le voile sur le mode d’action de la sarcolipine pour réguler l’activité de l’ATPase calcium SERCA1a, responsable de la relaxation musculaire.​

Publié le 5 mars 2021

​La sarcolipine (SLN) est un peptide membranaire de 31 résidus qui inhibe l’activité de l’ATPase calcium SERCA1a, indispensable au fonctionnement des muscles dits à contraction rapide. Dans les cellules squelettiques, SERCA1a utilise l’énergie de l’ATP pour transporter les ions calcium du cytosol vers le réticulum sarcoplasmique, ce qui provoque la relaxation musculaire. La sarcolipine et son action régulatrice de SERCA1a sont connues depuis les années 90. Il a été démontré qu’elle diminuait légèrement l’affinité de l’ATPase-Ca2+ pour le calcium en mesurant de façon très globale l’activité ATPasique du transporteur. Des chercheurs du laboratoire des protéines et systèmes membranaires (LPSM, I2BC / Institut CEA-Joliot) ont montré en 2014 que, au moins chez certaines espèces, SLN est modifiée post-traductionnellement : un acide gras (acide palmitique ou acide oléique) est ancré sur sa cystéine 9. Mais le mode d’action de SLN reste encore mal compris. Particulièrement, le rôle de l’acylation (palmitoylation ou oléoylation) demeure flou. Pour aller plus loin, les chercheurs du LPSM ont multiplié les approches.

1) Beaucoup de dynamique moléculaire,

D’une part, ils ont réalisé des travaux in silico pour mieux comprendre l’interaction de la SLN avec SERCA1a. Ils ont mis en œuvre des techniques de simulation de dynamique moléculaire ainsi qu’une approche d’analyse des modes normaux (NMA)[1], en collaboration avec Liliane Mouawad (Institut Curie, Orsay). Pour la première fois cette méthodologie a utilisé un système comprenant en plus des protéines, la membrane et l’eau. Les résultats de l’étude ont été publiés dans Frontiers in Molecular Biosciences[2]. Ils ont permis aux auteurs de proposer un mode d’action de la SLN et notamment un effet à « longue distance » au niveau du site de phosphorylation de la pompe calcium.

2) Une grosse cuiller de synthèse chimique…

En parallèle, les chercheurs ont caractérisé expérimentalement in vitro l’effet de la SLN sur l’activité ATPasique de SERCA1a. Pour de telles expériences, une source de SLN acylée est indispensable, or la molécule ne se laisse pas apprivoiser facilement. Il est en effet très difficile de la purifier à partir d’extraits cellulaires à cause notamment de sa faible abondance, de sa nature hydrophobe. Il est aussi très délicat de contrôler le niveau d’acylation in vivo, ces mécanismes cellulaires étant peu connus à ce jour. Une autre possibilité est de la synthétiser chimiquement, ce qui constitue un véritable challenge du fait de l’hydrophobicité du peptide, renforcé par son acylation. C’est le laboratoire du Pr Ji-Shen Zheng (Chine) qui a réussi à synthétiser la SLN acylée pour l’équipe du CEA-Joliot. Cette synthèse constitue une première et a été publiée dans Angewandte Chemie[3].

… pour pouvoir étudier l’activité enzymatique in vitro

A partir de là, ils ont pu regarder l’effet de la SLN (palmitoylée ou non) sur SERCA1a en disséquant les étapes principales du cycle catalytique par diverses approches d’enzymologie. Afin de contrôler parfaitement le système d’étude, l’ATPase a été produite dans un système recombinant dépourvu de SLN endogène (plateau technique d’expression et de purification de protéines membranaires du LPSM, affiliée à l’Infrastructure Nationale en Biologie Santé FRISBI https://frisbi.eu/centers/south-paris/yeast-expression/). Les résultats ont été publiés dans Scientific Reports[4]. L’équipe confirme l’effet de la Sarcolipine sur la fixation du calcium. L’acylation pourrait être impliquée dans l’oligomérisation de la SLN même si des expériences complémentaires doivent venir préciser cette propriété. Pour la première fois, le LPSM démontre l’effet à longue distance de la SLN sur le site de fixation de l’ATP, situé à environ 25 Å de la membrane et de la SLN, comme le proposait leur étude in silico.

L’équipe souhaite aller plus loin en confrontant les travaux in silico à de nouvelles études expérimentales par RMN qui fourniront des données structurales précises sur le comportement de l’acylation de la protéine dans la membrane et contribueront à définir son rôle. 

Contacts chercheurs : 

dynamique moléculaire : 

Nadège Jamin (nadege.jamin@cea.fr) et Véronica Beswick (veronica.beswick@cea.fr)

biochimie : 

Cédric Montigny (cedric.montigny@cea.fr



[1] L’analyse des modes normaux calcule les fréquences de vibration de la molécule et met en évidence les changements conformationnels de grande amplitude. 


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