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Inhiber l’autophagie : nouvelles pistes pour lutter contre la sénescence cellulaire


Il y a du nouveau dans la recherche de molécules sénolytiques et dans la compréhension de leurs mécanismes d'action. Des chercheurs de l'institut Frédéric Joliot identifient l'ouabaïne et la chloroquine comme étant deux molécules sénolytiques sélectives et efficaces pour éliminer certaines cellules sénescentes. L'étude est parue dans la revue Aging Cell.

Publié le 15 mars 2022

​Mécanisme clef du vieillissement, la sénescence cellulaire est une modification du comportement des cellules qui bloque leur prolifération en réponse à des stress susceptibles d'entraîner l'apparition de cancers. C'est une barrière anti-tumorale.Par exemple, la mutation V600E de la kinase BRAF (B-RAF-V600E) qui est oncogénique et présente dans 50% des mélanomes, induit initialement la sénescence des mélanocytes. Les mélanocytes sénescents constituent les grains de beauté, des lésions bégnines qui persistent pendant des décennies et évoluent très rarement en mélanome. Cependant, un quart des mélanomes sont associés à un grain de beauté pré-existant, ce qui implique un échappement à la sénescence des mélanocytes qui poursuivent leur évolution oncogénique.

Dans certains contextes, la persistance de cellules sénescentes favorise la tumorigénèse ou empêche la régénération des tissus, participant ainsi au vieillissement.

Comment retarder l'émergence ou l'évolution de pathologies liées à la sénescence ?

En éliminant spécifiquement les cellules sénescentes grâce, par exemple à des molécules pouvant être utilisées comme médicament : les sénolytiques. Cette approche novatrice est prometteuse pour lutter contre la cancérogénèse et le vieillissement, comme le montrent de nombreuses études basées sur des modèles animaux.

A partir du criblage d'une banque de repositionnement de médicaments, des chercheurs de l'équipe Sénescence et stabilité du génome du département I2BC de l'institut, en collaboration avec un chercheur du SCBM, ont identifié plusieurs cardioglycosides (dont l'ouabaïne) comme de potentiels sénolytiques des cellules dont la sénescence est déclenchée par BRAF-V600E. Les cardioglycosides sont des inhibiteurs de la pompe ATPase sodium-potassium (Na,K ATPase) qui sont utilisés dans le traitement de troubles cardiaques. Ils inhibent le transport d'ions assuré par l'ATPase, et donc la différence de potentiel de membrane, et déclenchent des voies de transduction du signal. Dans le modèle cellulaire utilisé par les chercheurs de l'I2BC, l'action sénolytique n'est pas médiée par l'inhibition du transport ionique, mais par l'activation de voies de transduction.

Mais pourquoi les cardioglycosides sont-ils spécifiquement toxiques pour les cellules qui expriment BRAF-V600E ?

Les chercheurs ont montré dans cette étude que l'expression de BRAF-V600E augmente le stress du réticulum endoplasmique et l'autophagie dans les cellules sénescentes. Ils ont mis en évidence que l'ouabaïne agit sur la sénescence en inhibant l'autophagie, probablement via les voies de transduction de signal identifiées dans l'étude. Ainsi, l'activation de l'autophagie par BRAF-V600E sensibilise la cellule à la sénolyse. D'autres inhibiteurs de l'autophagie devraient donc avoir un pouvoir sénolytique. Et c'est le cas ! En effet, l'équipe montre dans cette étude que deux composés, la bafilomycine A1 et surtout la chloroquine ont une activité sénolytique.


Cette étude montre l'importance de caractériser les mécanismes qui expliquent la spécificité d'action des sénolytiques pour découvrir de nouvelles molécules actives. A terme, la compréhension de ces mécanismes pourra permettre de personnaliser les traitements en identifiant le type de cellules à éliminer et leurs vulnérabilités.

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