Les isotopes du carbone (11C,
13C,
14C) sont des
outils essentiels pour suivre le destin des médicaments, explorer leur métabolisme ou encore visualiser leur distribution dans l'organisme ou dans l'environnement. Leur
incorporation dans des composés organiques de type
nitriles est largement explorée en chimie, les nitriles étant
présents dans de nombreux principes actifs et produits agrochimiques. Cette incorporation repose sur l'utilisation, comme source d'isotope de carbone, de
cyanure radioactif hautement toxique et pour lequel les
procédés anciens de synthèse sont
dangereux et
coûteux.
Et si on pouvait trouver une autre source de carbone que le cyanure ?
Le
laboratoire de marquage au carbone 14 du
SCBM (DMTS) en collaboration avec le laboratoire
BioMaps (département
SHFJ) a mis au point une approche innovante pour contourner ces limites. Dans une étude publiée dans JACS, les chercheurs décrivent une méthode douce, rapide et versatile permettant de
transformer directement le dioxyde de carbone marqué (13C-CO₂,
14C-CO₂ ou
11C-CO₂) en
agents de cyanation électrophiles utilisables pour la synthèse de nitriles marqués (arènes, indoles, acides boroniques). Cette réaction se déroule à relativement
basse température et à
pression atmosphérique,
sans manipulation de cyanure, rendant la démarche bien plus sûre et accessible.
Cette stratégie en deux étapes repose sur une
séquence Staudinger/Aza-Wittig (SAW)
pour convertir le CO₂ en urée marquée,
puis sur une
déshydratation douce pour obtenir les agents de cyanation électrophiles isotopiques qui, par des réactions catalytiques au rhodium ou au nickel, servent au marquage d'une large variété de molécules.
Les auteurs démontrent aussi
une première mondiale :
un échange direct d'isotopes du carbone (CIE) sur des nitriles existants, ouvrant la voie à un ré-étiquetage rapide de composés complexes.
La méthode est
compatible avec tous les isotopes du carbone, y compris le
carbone 11 indispensable pour une utilisation des produits radiomarqués en
imagerie TEP, pour lequel des ajustements sont nécessaires, notamment pour aller suffisamment vite étant donné son temps de demi-vie très court. Comme preuve de concept, le
procédé complet a été automatisé pour la
production d'un radiotraceur modèle.

Financement européen
Ce travail a été réalisé dans le cadre de l'ERC Consolidator Grant
FASTLABEX de Davide Audisio.
Contacts Institut des sciences du vivant Frédéric-Joliot :