Les agents neurotoxiques organophosphorés (OPs), présents dans certains pesticides ou dans des armes chimiques, contaminent plusieurs millions d'individus dans le monde chaque année. En raison de leur caractère lipophile, les OPs sont capables de traverser la barrière hémato-encéphalique (BHE) et exercent une action inhibitrice irréversible de l'acétylcholinestérase (AChE) synaptique et globulaire. Ils induisent par conséquent une accumulation d'acétylcholine au niveau des systèmes nerveux central et périphérique à l'origine de leurs effets toxiques (réponse muscarinique et nicotinique se traduisant par une détresse respiratoire aiguë, des perturbations cardiovasculaires et des troubles neurologiques sur le long terme). Parmi les contre-mesures médicales existantes, les oximes peuvent être administrées comme antidotes car elles sont capables de réactiver l'AChE. Cependant, leur effet reste limité aux systèmes périphériques car les oximes ne traversent pas la BHE et n'accèdent donc pas au cerveau pour exercer leur effet thérapeutique.
Les ultrasons focalisés transcrâniens (FUS), associés à des microbulles injectées par voie intraveineuse, peuvent être appliqués pour perturber temporairement la BHE et permettre la délivrance de médicaments au système nerveux central. Dans ce travail, les chercheurs ont évalué l'efficacité des FUS pour l'administration de deux oximes connues (2-PAM, HI-6) dans le cerveau après une exposition sous-létale et supra-létale à l'agent VX chez un modèle murin. Le traitement HI-6 + FUS a rétabli plus de 30% d'activité AchE dans l'hippocampe et les animaux traités ont eu un meilleur taux de survie à 24 heures. Ce traitement a également entrainé une réduction significative des niveaux d'expression de deux cytokines pro-inflammatoires IL-6 et MIP-1α dans l'hippocampe. En revanche, le traitement 2-PAM + FUS s'est révélé inefficace.
Ces résultats indiquent que l'utilisation des FUS est très prometteuse pour améliorer la prise en charge médicale en cas d'exposition aux OPs, car elle permet aux antidotes, ici l'oxime HI-6, de traiter les symptômes centraux et de réduire les lésions cérébrales. Cette approche est donc particulièrement prometteuse pour un traitement efficace en cas d'exposition aux OPs dans un contexte hospitalier de deuxième intention après un traitement d'urgence immédiat.
Contact : Anthony Novell (anthony.novell@universite-paris-saclay.fr)
- L'agent innervant VX est un organophosphoré plus mortel que le sarin. Son mode d'absorption, à savoir l'inhalation et le contact cutané, et ses symptômes cliniques (nausées, convulsions, paralysie des muscles respiratoires) sont les mêmes que pour le sarin.