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Pollution : lumière sur la dégradation naturelle de la chlordécone


Des chercheurs du CEA-Jacob ont caractérisé en laboratoire une vingtaine de produits de transformation issus de la dégradation de la chlordécone (un Polluant Organique Persistant) et identifié ces mêmes produits dans les sols antillais, soulevant des questions quant à leur prise en charge en tant que nouveaux polluants potentiels.

Publié le 29 juillet 2019
La chlordécone est un insecticide organochloré classé parmi les Polluants Organiques Persistants, massivement utilisée aux Antilles Françaises de 1972 à 1993. Son utilisation extensive et sa persistance dans l'environnement sont à l'origine d'une pollution massive des sols, des ressources en eau, ainsi que du littoral antillais. La contamination de nombreuses denrées animales et végétales locales ainsi que des produits de la mer conduit aujourd'hui encore à l'imprégnation d'une part importante de la population antillaise. L'exposition chronique à la chlordécone reconnue comme perturbateur endocrinien a été reliée à l'augmentation du risque de survenue du cancer de la prostate ainsi que du retard de développement chez les jeunes enfants. 

La chlordécone est réputée non-biodégradable dans l'environnement ce qui a conduit les scientifiques à prédire des durées de contamination de l'ordre de plusieurs dizaines voire centaines d'années selon les types de sol. Toutes ces données rendent compte de l'ampleur de la pollution et des graves problèmes socio-économiques et de santé publique auxquels font face les Antilles Françaises.

Dans cette étude, des chercheurs du CEA-Jacob, au Genoscope, travaillant depuis dix ans sur la biodégradation de la chlordécone, ont identifié en laboratoire une vingtaine de produits de transformation de la chlordécone obtenus en présence de divers micro-organismes. 

Afin de mieux les caractériser, ils ont réussi à les synthétiser chimiquement. L'utilisation d'outils de chimie analytique (chromatographies couplées à un spectromètre de masse et résonance magnétique nucléaire) a alors permis d'élucider leurs structures exactes et de les regrouper en cinq familles de structure similaire. Quatre de ces familles présentent un cycle aromatique indène5 très différent de la structure polycyclique de la molécule-mère. Ces composés sont en fait issus de l'ouverture de la structure cage perchlorée de la chlordécone réputée être à l'origine de sa grande stabilité. 

L'obtention de ces produits de transformation a permis de les utiliser comme standards afin de les rechercher dans l'environnement antillais (Martinique) et ainsi réaliser une première étude de terrain prospective. Les résultats montrent la présence systématique de produits de transformation de la chlordécone dans tous les échantillons de sols contaminés par ce pesticide mais aussi dans les eaux de rivière, mangrove et sédiments de mangrove analysés. Au total, 17 produits de transformation ont été identifiés, plusieurs présentent même des concentrations comparables à celles mesurées pour la chlordécone. Des expériences microbiologiques en laboratoire ont confirmé la capacité de chaque type de sols antillais à induire la dégradation de la chlordécone en quelques semaines.

Contrairement aux connaissances acquises jusque-là, la chlordécone se dégrade bel et bien dans les sols antillais et conduit à la libération progressive dans l'environnement de quantités importantes de produits de transformation. Ces résultats modifient profondément la vision de la pollution et sa prise en charge, avec l'émergence des produits de dégradation comme nouveaux polluants émergents. De nouvelles études seront nécessaires pour évaluer leur toxicité et étudier leur transfert possible vers l'alimentation et l'exposition de la population qui pourrait en découler.


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