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Plus que la température de l’air, l’humidité des sols régule l’absorption du carbone par la végétation


​Une collaboration internationale impliquant le LSCE (CEA-CNRS-UVSQ) a élucidé l'origine controversée des fortes variations annuelles des flux de carbone captés par les écosystèmes terrestres. Le contenu en eau des sols en est la cause principale, avec un effet direct de limitation de la photosynthèse et un effet indirect d'augmentation des températures de l'air quand les plantes ne peuvent plus refroidir l'atmosphère en transpirant.
Publié le 31 mars 2021

Chaque année, les écosystèmes terrestres absorbent une fraction importante des émissions anthropiques de CO2 – environ 30 % en moyenne – et atténuent le réchauffement global. Cependant, d'une année à l'autre, la quantité de carbone absorbée par les plantes et les sols varie considérablement sans qu'un consensus scientifique n'ait pu être établi sur les causes précises de de ce phénomène. Faut-il incriminer la température ou le contenu en eau des sols ? Il faut dire que les deux variables sont intimement liées car les années chaudes comme les El Niño sont aussi plus sèches globalement. Pour prédire avec précision l'évolution des puits de carbone terrestres, il faut en particulier départager les rôles respectifs de l'humidité du sol et de la température de l'air.

Pour mieux isoler l'influence de l'humidité des sols, les chercheurs ont simulé un climat avec une humidité toujours normale, sans sécheresse ni saturation du sol. Un tel climat virtuel sans anomalie de l'eau du sol produirait une absorption quasi « plate » du carbone par les écosystèmes terrestres, en contradiction avec les simulations réalistes où l'eau du sol joue pleinement son rôle dans les rétroactions climatiques.

Ce résultat tend à prouver le rôle dominant de l'humidité des sols. L'histoire aurait pu s'arrêter là mais d'autres résultats se révèlent très surprenants. En l'absence de sécheresse, les plantes assimileraient le carbone plus régulièrement, non seulement parce qu'il y a davantage d'eau disponible dans le sol, mais aussi parce que l'atmosphère serait toujours plus fraîche et moins sèche. C'est ici qu'interviennent des processus, appelés rétroactions terre-atmosphère, qui appellent une explication…

Qui n'a ressenti, en été, la fraîcheur bénéfique d'un bouquet d'arbres dans un parc ? Comme les autres végétaux, les arbres « transpirent » beaucoup, utilisant l'énergie solaire pour vaporiser l'eau puisée dans le sol par les racines et tempérer leur environnement. Ils peuvent perdre quotidiennement leur poids en eau ! Mais si lors d'une sécheresse, les pores des feuilles (stomates) se referment pour préserver le végétal, les échanges gazeux liés à la photosynthèse ralentissent et la transpiration diminue, amplifiant le réchauffement et l'assèchement de l'air.

Selon les travaux des chercheurs, cette conséquence indirecte des sécheresses affecte de manière prédominante les variations des échanges planétaires de CO2 via la végétation. Cette découverte réconcilie enfin les résultats contradictoires obtenus jusque-là par la communauté scientifique. Si l'humidité des sols est la force motrice du puits de carbone, la température de l'air en démultiplie les effets !

« C'est un beau résultat car il va à l'encontre de notre intuition, explique Philippe Ciais, chercheur au LSCE et co-auteur de l'étude publiée par Vincent Humphrey, un jeune chercheur suisse qui travaille à l'Institut de technologie de Californie (Caltech) aux États-Unis. Si nous n'arrosons pas une plante, nous voyons le sol se dessécher et les feuilles se flétrir. À l'échelle bien plus grande d'une région ou du globe, ce sont surtout les vagues de chaleur causées par la sécheresse qui réduisent la capture du CO2 par la végétation ».


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