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Les eucaryotes planctoniques non cultivés révèlent enfin leurs secrets


​Après plus de dix ans d'analyse de données de séquençage massif d'ADN recueilli à la surface des océans par l'expédition Tara Oceans, une équipe internationale pilotée par des chercheurs du CEA-Jacob (Genoscope) et du CNRS complète un des plus grands puzzles de la biologie environnementale. Elle révèle, chez de nombreux eucaryotes unicellulaires, le lien complexe entre évolution et capacité fonctionnelle.
Publié le 7 juin 2022

Les micro-organismes eucaryotes sont très abondants à la surface des océans, où ils influencent fortement de grands cycles biogéochimiques et de ce fait, le climat mondial. Parmi eux, se trouvent des lignées bien connues comme des algues vertes et des diatomées, mais aussi une majorité d'espèces non décrites.

Or le plancton eucaryote est en grande partie récalcitrant à la culture en laboratoire, ce qui limite son étude. À défaut, les chercheurs tentent de caractériser les génomes afin de mieux comprendre l'évolution et les traits fonctionnels de ces organismes, le rôle des espèces clés dans les cycles biogéochimiques, ou encore leur capacité de résilience face au changement climatique.

Pour cela, il leur a fallu résoudre l'un des plus grands puzzles de génomique environnementale actuels : reconstruire les génomes de grande taille des espèces eucaryotes, à partir des millions de fragments d'ADN obtenus par séquençage de métagénomes planctoniques. Jusque-là, cette approche n'était utilisée que pour des microorganismes dont les structures génomiques sont beaucoup plus simples : les bactéries et les virus.

Les chercheurs de Jacob et leurs partenaires ont utilisé près de 300 milliards de séquences courtes d'ADN (soit l'équivalent de 10.000 génomes humains) produites au fil des ans au Genoscope, à partir d'échantillons collectés lors des expéditions Tara Oceans. Ils sont ainsi parvenus à reconstruire des centaines de génomes d'espèces eucaryotes abondantes. Cette ressource inclut notamment le plus gros génome caractérisé à ce jour pour le plancton (plus d'un milliard de nucléotides), ainsi que de nombreuses branches de l'arbre du vivant, jusque-là inconnues.

Les scientifiques ont alors analysé la distribution des nouveaux génomes à la surface des océans. Certains ne sont détectés que dans l'océan Austral, d'autres dans l'océan Indien, et ainsi de suite, révélant une sorte d'atlas des génomes reconstruits. 

Ils ont ensuite défini quatre groupes d'eucaryotes basés sur leur profil génétique (en relation avec dix millions de gènes). Il apparaît que des eucaryotes ne partageant pas d'ancêtres communs récents (comme les algues vertes et les diatomées) peuvent compter de nombreuses fonctions génétiques similaires. L'évolution des eucaryotes unicellulaires marins s'avère ainsi complexe et non linéaire.

Ces résultats constituent à la fois une avancée pionnière et une base de données de référence, mais ils ne couvrent qu'une petite partie du plancton. La décennie à venir verra certainement une révolution de notre compréhension des autres organismes eucaryotes environnementaux, grâce à ces approches génomiques innovantes.


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