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Spectroscopie et polarisation de spins nucléaires individuels dans un solide


​​Après avoir détecté pour la première fois un spin électronique unique en 2023, l’équipe du CEA-Iramis (SPEC) a développé une méthode permettant la spectroscopie RMN de spins nucléaires individuels dans des solides. Ces travaux ouvrent la voie à l’utilisation de spins nucléaires pour le calcul quantique et à la spectroscopie RMN de molécules individuelles.

Publié le 11 mars 2025

La RMN (résonance magnétique nucléaire) est une technique spectroscopique puissante d'analyse chimique des solides. Elle s'applique couramment aux matériaux homogènes pour lesquels il est assez simple d'obtenir un signal utilisable, en présence d'un grand nombre de spins nucléaires identiques. Il n'en va pas de même pour les matériaux inhomogènes pour lesquels une résolution à l'échelle de spins nucléaires individuels serait pourtant hautement appréciée.

Le principe de détection des spins nucléaires

Récemment, l'équipe Quantronique de l'Iramis a développé un dispositif permettant de détecter des spins électroniques individuels par résonance paramagnétique électronique ou RPE (Lire Première détection de spins électroniques individuels par RPE).

Elle a ensuite cherché à utiliser cette méthode pour détecter des spins nucléaires individuels de manière indirecte, en utilisant l'influence, sur la structure électronique, des spins nucléaires d'atomes voisins. Le principe de la mesure consiste à séparer, par l'application d'un champ magnétique externe, les sous-niveaux Zeeman des différents états de structure hyperfine de l'atome sondé, et d'observer par spectroscopie RPE comment les fréquences de résonance entre ces sous-niveaux sont affectées par les spins nucléaires des atomes voisins.

Des spins électroniques portés par des ions erbium

Le choix des expérimentateurs s'est porté sur un cristal de tungstate de calcium CaWO4, dopé avec des ions Er3+ qui se comportent comme des spins électroniques à basse température. La grande majorité des isotopes de l'oxygène et du calcium n'ayant pas de spin nucléaire, seul l'isotope 183W du tungstène, avec une abondance naturelle de 14 %, fournit en nombre significatif des spins nucléaires au voisinage des ions Er3+. Pour chaque ion Er3+, l'environnement de spins nucléaires est unique car la distribution des isotopes 183W sur les sites du tungstène est aléatoire.

Détecter des spins électroniques individuels

En quoi consiste l'expérience ? Un champ magnétique est appliqué au cristal pour séparer les sous-niveaux électroniques Zeeman d'Er3+. Les spins électroniques portés par les ions erbium Er3+ sont excités par des impulsions micro-onde puis relaxent vers leur état fondamental en émettant un photon à la fréquence de transition entre les niveaux d'énergie fondamental et excité. Pour atteindre la sensibilité ultime, ces spins sont couplés à un résonateur micro-onde et les photons émis sont ensuite détectés par un compteur de photons micro-onde basé sur un qubit supraconducteur (Lire Détecter des spins avec un compteur de photons uniques). À noter que le champ magnétique appliqué est ajusté de manière à accorder la fréquence de transition entre les sous-niveaux à celle du résonateur de détection qui exalte alors la relaxation radiative par effet Purcell.

La signature d'un spin nucléaire individuel

Du fait du caractère probabiliste de l'occupation des sites cristallins du tungstène par son isotope183W, chaque ion Er3+ a une fréquence RPE distincte de celle des autres ions Er3+. Or, en suivant cinq ions Er3+, les physiciens observent des changements de fréquence soudains et répétitifs qui sont la signature du changement d'orientation du spin nucléaire individuel d'un atome adjacent 183W.

Autre résultat important : par transfert de polarisation entre spins électroniques et spins nucléaires adjacents (ou « polarisation nucléaire dynamique » par effet solide), il est possible d'aligner un ou plusieurs spins nucléaires autour de l'ion Er3+, dans un des états up ou down.

Ces résultats ouvrent la voie à l'utilisation de spins nucléaires individuels pour le calcul quantique, permettant ainsi d'accéder à des temps de cohérence supérieurs à la seconde. Ils constituent également un premier pas vers des mesures de spectroscopie RMN sur des molécules individuelles.

Lire sur le site de l'Iramis.



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