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Des biomarqueurs lipidiques pour identifier les différents stades de la cirrhose hépatique


​Des équipes de recherche européennes, dont une faisant partie du laboratoire d'études du métabolisme des médicaments (LEMM) de l'institut Joliot du CEA, ont analysé le lipidome sanguin de patients atteints de cirrhose. Ils mettent en évidence des biomarqueurs spécifiques des différents stades de la maladie.

Publié le 6 décembre 2021

La capacité de régénération du foie a ses limites. Les différentes agressions qu'il peut subir (consommation d'alcool, infection virale…) entrainent l'accumulation de tissu cicatriciel qui conduit à une cirrhose compensée (CC) voire à une cirrhose décompensée, lorsque la personne ne compense plus les dysfonctionnements de son foie. Dans les cas les plus sévères (30 à 40% des cas), la cirrhose décompensée évolue en insuffisance hépatique chronique (ACLF, acute-on-chronic liver failure) qui se caractérise par une inflammation systémique et là la défaillance d'un ou plusieurs autres organes/systèmes (reins, foie, système circulatoire, respiratoire).

Dans leur publication du 7 juillet 2021, parue dans le Journal of Hepatology, les chercheurs du LEMM (DMTS) ont produit les données lipidomiques non ciblées nécessaires à l'identification sans à priori de biomarqueurs spécifiques des formes les plus sévères de la maladie. Une avancée majeure pour de futurs diagnostics plus rapides, précis et non-invasifs. Cette étude vient compléter le travail portant sur le métabolome sanguin des mêmes patients (Moreau R et al, J Hepatol 2020 ; Zaccherini G et al, J Hepatol 2021). Les résultats obtenus ont permis au LEMM de rejoindre deux consortiums européens : MICROB-PREDICT et DECISION.

Les chercheurs se sont intéressés à l'évolution des taux de différentes classes de lipides sanguins (plus de 200 lipides mesurés au total). Leur lien avec le développement d'une ACLF n'avait pas encore été établi contrairement à l'inflammation systémique et aux autres métabolites non-lipidiques. L'étude se base, comme les précédentes (lien vers les actus correspondantes) sur le traitement des données provenant de 826 patients atteints d'AD ou d'ACLF. Elle inclut aussi des patients sains et atteints de cirrhose compensée (stade le moins avancé de la maladie).

Grâce aux techniques de spectrométrie de masse à haute résolution (LC-HRMS), les chercheurs ont pu évaluer les taux des principales familles de lipides sanguins au sein de  différents groupes de patients. Cette analyse non ciblée du lipidome les a conduit à plusieurs résultats.

De façon générale, ils montrent qu'il n'existe pas ou peu de différences significatives entre les patients sains et ceux atteints d'une CC. Néanmoins, une réduction importante, significative et généralisée des lipides sanguins (sauf des acides gras) est observable chez les patients AD. Cette réduction est encore plus marquée chez les patients ACLF.

Distinguer une cirrhose décompensée, d'une cirrhose compensée ?

L'analyse de 223 lipides montre que la famille des sphingolipides permet de différencier de façon non ambiguë la cirrhose décompensée de la cirrhose compensée. Les sphingolipides sont connus pour leur propriétés structurelles au sein des cellules mais sont aussi impliqués dans la régulation de l'immunité et la survie cellulaire. Parmi eux, les sphingomyélines que l'on retrouve dans les membranes cellulaires sont les lipides les plus spécifiques du passage du stade de CC à celui de la cirrhose décompensée. Les sphingomyélines pourraient ainsi être des biomarqueurs caractéristiques de la cirrhose décompensée, leur taux sanguin devenant de plus en plus bas à mesure que la maladie s'aggrave.

Distinguer une ACLF, d'une cirrhose décompensée ?

L'analyse d'un cluster de 223 lipides a permis de faire ressortir un sous-groupe de 17 lipides hautement associés à l'ACLF. Tous les lipides de ce sous-groupe présentent des taux sanguins diminuant progressivement d'un patient sain à un patient du groupe ACLF. Les chercheurs ont néanmoins pu isoler des biomarqueurs plus spécifiques comme les lysophosphatidylcholines et les esters de cholestérol. Ces derniers subissent une réduction particulièrement significative, observable lors du passage d'une cirrhose décompensée à une cirrhose décompensée avec insuffisance hépatique.

Toutes ces observations s'inscrivent dans le long terme comme une nouvelle manière de caractériser la pathophysiologie et les mécanismes biochimiques de la cirrhose du foie. L'identification de biomarqueurs spécifiques permettrait l'émergence d'une médecine innovante intégrant des diagnostics plus rapides, plus prédictifs et personnalisés avec comme objectif l'amélioration de la prise en charge thérapeutique des patients.

Financement européen
Ce travail a été réalisé dans le cadre des projets européens MICROB-PREDICT et DECISION, coordonnés par le CEA.

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