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Résultat scientifique | Mécanismes moléculaires | ADN | Biologie structurale

La phosphorylation de BAF altère sa dynamique et son interaction avec l’ADN mais pas ses contacts avec l’enveloppe nucléaire


​Une étude structurale et biophysique menée par des chercheurs du département I2BC montre in vitro que la phosphorylation mitotique de la protéine BAF rigidifie considérablement sa structure, entraine sa dissociation de l’ADN, mais, de manière inattendue, ne modifie pas sa liaison aux protéines de l’enveloppe nucléaire, émerine et lamine. Cette étude ouvre la voie à une plus large exploration de l’impact des phosphorylations mitotiques sur l’organisation du génome et sur les mécanismes responsables de syndromes progéroïdes. 

Publié le 29 mars 2021

​L'organisation de la chromatine, la protéine BAF et le vieillissement accéléré

La chromatine des cellules eucaryotes est extrêmement polymorphe au cours d’un cycle cellulaire. En cause : une orchestration complexe des interactions intermoléculaires au sein de la chromatine elle-même et entre la chromatine et son environnement, notamment la membrane nucléaire. La lamina, réseau dense de protéines (lamines A, B et C) qui tapisse l’intérieur de la membrane nucléaire, constitue un site d’ancrage de la chromatine à la périphérie du noyau, soit par une interaction directe des lamines avec l’ADN ou les histones, soit via différentes protéines se liant aux lamines. Des mutations des lamines sont responsables de pathologies, particulièrement de formes rares de vieillissement prématuré. En 2018, des chercheurs de l’équipe « Enveloppe nucléaire, télomère et réparation de l’ADN » (I2BC), en collaboration avec le groupe de Brigitte Buendia (Université Paris Diderot), ont résolu la structure d’un complexe réunissant la lamine A/C, la protéine BAF, qui se lie à l’ADN, et l’émerine, ancrée dans la paroi nucléaire. Dans ce complexe, un dimère de BAF lie d'un côté l’émerine (via son domaine LEM) et de l'autre la lamine A/C (via le domaine globulaire). Ils ont montré que l’interaction entre BAF et la lamine A/C est défectueuse chez des patients atteints de syndromes progéroïdes liés à des mutations de la lamine ou de BAF. Leur étude suggère qu'un défaut d'interaction entre ces protéines pourrait entraîner une dérégulation de l'organisation de la chromatine et de l'expression des gènes, à l’origine du vieillissement accéléré observé chez les malades atteints de ces syndromes (cf. actualité 2018).

Une affaire de phosphorylation ?

On sait que la phosphorylation de BAF par la kinase VRK1 et sa déphosphorylation par PP2A régulent sa localisation et de sa fonction. Par exemple, la phosphorylation de BAF (dans sa partie N-terminale) l’empêche de se lier à l’ADN. Une surexpression de VRK1 libère partiellement BAF de la chromatine et relocalise la protéine du noyau vers le cytoplasme. A l’inverse, la raréfaction de VRK1 empêche la nécessaire libération de BAF des chromosomes durant la mitose. Pour mieux comprendre le rôle de la phosphorylation de BAF dans l’assemblage et le désassemblage du complexe BAF/lamine/émerine au cours du cycle cellulaire, les chercheurs de l’équipe, en collaboration avec des chercheurs du SIMoS (Département MTS) et de l’EMBL (Grenoble), ont mené une analyse comparative de BAF avant et après phosphorylation. Ils ont résolu la structure tridimensionnelle de BAF phosphorylée, décrit sa dynamique en solution, et identifié l’impact de la phosphorylation sur les interactions de BAF avec l’ADN d’un côté et la lamine A/C et l’émerine de l’autre. Leurs résultats ont été publiés dans Nucleic Acids Research.

Plus précisément, les chercheurs ont pu reproduire in vitro la phosphorylation de la protéine BAF par la kinase mitotique VRK1. Ils ont confirmé que BAF est doublement phosphorylée par la kinase VRK1, d’abord sur sa sérine 4, puis sur sa thréonine 3. Les structures cristallines de BAF avant et après phosphorylation sont très similaires. Cependant, en solution, la grande flexibilité de l’extrémité N-terminale de BAF est fortement réduite après bi-phosphorylation. Cette rigidification est liée à l’établissement d’interactions entre les résidus phosphorylés et l’extrémité C-terminale de BAF qui est chargée positivement. Ces régions sont impliquées dans les interactions avec l’ADN et avec la lamine A/C. La phosphorylation par VRK1 entraine une diminution de l’affinité de BAF pour l’ADN d’un facteur 5000. Cependant, de manière inattendue, BAF phosphorylée reste liée non seulement à l’émerine mais aussi à la lamine (Figure).

Cette étude ouvre la voie à une plus large exploration de l’impact des phosphorylations mitotiques sur l’organisation du génome.


© S. Zinn-Justin/CEA



Contact Joliot :

Sophie Zinn-Justin (sophie.zinn-justin@cea.fr

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