L'apprentissage statistique auditif
Plusieurs espèces, dont l'être humain, ont la
capacité d'extraire des régularités dans leur
environnement et de
repérer les événements qui ont une grande probabilité de survenir. Cet
apprentissage statistique s'applique à plusieurs types de stimuli (visuels et auditifs principalement) et sert dans beaucoup de situations. Ainsi, l'apprentissage statistique auditif est-il
utilisé par les bébés pour apprendre le langage oral. Mais le besoin d'attention est-il nécessaire ? De par leurs difficultés inhérentes, très peu d'études impliquant des personnes souffrant de troubles de la conscience ont été menées, alors qu'elles pourraient offrir des informations précieuses.
Les troubles de la conscience impactent-ils cet apprentissage ?
Les équipes de Ghislaine Dehaene à NeuroSpin (Neuroimagerie du développement/UNICOG),
et de Peng Gui (Institute of Neuroscience, Shangai, Chine) ont examiné la
capacité de patients présentant différents niveaux de troubles de la conscience à extraire des régularités statistiques d'un langage artificiel composé de pseudo-mots concaténés de manière aléatoire. L'étude a été menée
en détectant par électro-encéphalographie (EEG) à haute densité la rythmicité de l'activité cérébrale induite par la rythmicité de la séquence auditive d'entrée.
Les chercheurs ont observé que
les capacités de segmentation, c'est-à-dire les capacités à reconnaitre les limites des mots, étaient
préservées chez certains patients atteints de troubles légers de la conscience. Ces résultats montrent que l'apprentissage statistique auditif est un
processus automatique qui analyse l'environnement auditif même en cas de troubles de l'attention consciente. Ils étendent les résultats antérieurs sur l'efficacité des capacités d'apprentissage statistique chez les nouveau-nés endormis.
De plus, les chercheurs montrent que ces
mesures d'apprentissage statistique auditif sont
significativement corrélées à des mesures diagnostiques du niveau de conscience déjà existantes, et pourraient donc être utilisées comme
indicateurs du niveau de conscience et du pronostic des patients atteints de troubles de la conscience. Enfin, l'étude suggère que la robustesse du marquage fréquentiel pourrait être intéressante pour une meilleure caractérisation des modifications des potentiels évoqués auditifs[1] chez les patients atteints d'un trouble de la conscience.
En raison de l'importante variabilité interindividuelle, la segmentation des mots pourrait ne pas être suffisamment robuste pour une utilisation clinique. En revanche, la précision temporelle des réponses aux syllabes auditives est fortement corrélée à la gravité du coma.
Contact Institut des sciences du vivant Frédéric-Joliot :
Ghislaine Dehaene-Lambertz
[1] Les potentiels évoqués auditifs ou
auditory event-related potentials en anglais désignent les modifications de potentiels électriques des neurones provoquées par des stimulations auditives.