Vous êtes ici : Accueil > Actualités > Détection de neutrinos : calibrer des bolomètres grâce à des neutrons

Résultat scientifique | Découvertes et avancées | Physique des particules | Outils & instruments de recherche

Détection de neutrinos : calibrer des bolomètres grâce à des neutrons


​Des chercheurs de l'Irfu valident le principe d'une nouvelle calibration bolométrique utilisant des neutrons lents dits thermiques. Celle-ci est parfaitement adaptée à la détection de neutrinos par mesure du « recul » de noyaux de tungstène, qui sera prochainement mise en œuvre à l'Irfu.
Publié le 9 décembre 2021

Les bolomètres sont des thermomètres extrêmement précis qui permettent de mesurer l'énergie déposée par certaines particules. Ils bénéficient aujourd'hui à la fois de seuils de détection extrêmement bas (quelques dizaine d'eV) et de masses suffisantes (jusqu'à une centaine de grammes) et ouvrent la voie à la détection :

  • de particules d'une hypothétique matière noire « légère »,
  • d'un nouveau processus d'interaction neutrino-matière qui offre des tests complémentaires du modèle standard de la physique des particules (expérience NUCLEUS à l'Irfu).

Observer l'interaction entre un neutrino et un noyau atomique reste cependant un défi expérimental. Elle génère en effet un recul infime du noyau atomique qui « bouscule » les atomes voisins (soit une énergie d'à peine 100 eV), provoquant un échauffement de quelques cent-millièmes de degré. Si un tel signal est aujourd'hui détectable, il est nécessaire de calibrer le détecteur dans un régime d'énergies (inférieures au keV) jusque-là inexploré, où les modèles théoriques actuels ne s'appliquent pas.

Or cette calibration est extrêmement délicate. Un neutrino incident transfère une fraction de son énergie à un noyau atomique qui la cède à son tour au cristal :

  • en le faisant vibrer (création de phonons),
  • en perturbant le cortège électronique des atomes voisins (ionisation ou émission de lumière),
  • en créant des défauts cristallins si l'énergie transférée est suffisante pour déloger plusieurs noyaux de leurs sites.

La répartition entre ces différents « canaux » d'énergie est très variable, ce qui incite à choisir une procédure de calibration la plus proche possible du phénomène à observer : l'interaction neutron-noyau. En effet, un neutron thermique se comporte de la même manière qu'un neutrino ou une particule de matière noire :

  • il ne perturbe pas le cristal en le traversant,
  • il est capturé dans le volume du cristal (et pas seulement en surface),
  • la désexcitation du noyau qui l'a capturé produit un recul de même nature.

Après capture d'un neutron, un noyau se désexcite en émettant un photon γ. Cette émission s'accompagne du recul du noyau qui dépose alors toute son énergie dans le cristal du bolomètre. Ainsi par exemple, le noyau de tungstène (W) d'un bolomètre en CaWO4 libère une énergie voisine de 100 eV, connue avec précision.

C'est le principe de la méthode CRAB (Calibration by Recoil for Accurate Bolometry) développée par l'Irfu pour l'expérience NUCLEUS. Il a été validé par une simulation numérique de la calibration et de tous les phénomènes parasites (rayons cosmiques, neutrons du faisceau non capturés, rayons gamma extérieurs) grâce à deux codes de calcul :

  • le code de neutronique « Toucans » élaboré à l'Irfu pour optimiser les sources de neutrons compactes,
  • le code de désexcitation des fragments de fission « Fifrelin », développé par des équipes de la DES (Cadarache) pour la physique des réacteurs.

La simulation d'une calibration continue pendant trois jours et demi conduit à un spectre en énergie comptant deux pics à 112 eV et 160 eV bien identifiables, associés aux isotopes 183W et 184W du tungstène naturel.

La méthode CRAB sera validée expérimentalement par une expérience d'irradiation d'un bolomètre de NUCLEUS en CaWO4 avec un faisceau de neutrons fourni par le réacteur TRIGA Mark-II de Vienne (Autriche).

Cette thématique, qui intéresse également la physique du solide, a suscité une nouvelle collaboration entre le CEA-Irfu et la DES (ISAS à Saclay) via une thèse en co-tutelle.



Haut de page

Haut de page