Cette étude est la première à quantifier l'impact des températures extrêmes sur le puits de CO₂ océanique à l'échelle globale, c'est-à-dire la quantité de carbone de l'atmosphère absorbée par les océans.
Pour mieux comprendre les résultats de ces travaux de recherche, il est important de souligner le rôle central des océans dans la stabilisation du système climatique mondial. A ce jour, ils absorbent environ un quart des émissions de CO₂ des activités humaines et 90 % de la chaleur excédentaire provenant de l'atmosphère. En 2023, les températures de surface des océans ont atteint des niveaux records sur de vastes régions. Ce réchauffement a été amplifié par un épisode El Niño, phénomène climatique cyclique se caractérisant par le réchauffement des eaux dans le Pacifique équatorial.
El Niño est connu pour renforcer la capacité globale des puits de carbone des océans en empêchant la remontée des eaux froides riches en CO₂ vers la surface. En conséquence, le Pacifique tropical oriental, qui libère normalement de très grandes quantités de CO₂ dans l'atmosphère, n'en émet pratiquement pas pendant les années El Niño.
Cependant, en 2023, cet effet bénéfique d'El Niño a été largement atténué par un réchauffement des océans dans les régions extratropicales, notamment dans l'Atlantique Nord. Les températures élevées ont réduit la solubilité du CO₂, entraînant un dégazage de celui-ci. Mais la température n'est pas le seul facteur : des processus physiques et biologiques dans la couche de surface de l'océan réduisent au contraire le dégagement de dioxyde de carbone, favorisant ainsi le puits de CO₂.
En 2023, les chercheurs impliqués dans cette étude ont ainsi observé que, malgré les températures extrêmes, certains de ces processus ont continué à jouer leur rôle : ils ont réduit la concentration de carbone inorganique dissous (CID), ce qui a limité la quantité de CO₂ relâchée dans l'atmosphère.
Si l'effet de la température est partiellement compensé par des processus réduisant le CID à l'heure actuelle, l'évolution future du puits océanique sous un climat plus chaud demeure incertaine. L'efficacité des mécanismes de compensation pour limiter le relargage de CO2 lié aux extrêmes de température reste une question ouverte.

Carte des océans mondiaux (a) avec les anomalies des flux CO₂ et des températures de surface de la mer (SST) pour l'année 2023 par rapport à la tendance linéaire (1990-2022). (b) Latitudes avec des températures élevées (rose) et une faible absorption de CO₂ dûe au dégazage (turquoise). (Graphic: Jens Daniel Müller / ETH Zurich).