Le chiffrement des données et des protocoles de communication nécessite des nombres aléatoires. Cependant, dans la plupart des cas, ils sont en réalité pseudo-aléatoires car générés à partir d'un matériel numérique déterministe et donc prévisible. Une recherche active est donc en cours pour exploiter des phénomènes intrinsèquement aléatoires et non-déterministes au sein de dispositifs physiques.
Parmi ceux-ci, les fluctuations thermiques constituent un moyen efficace et pratiquement gratuit pour générer un flux binaire (0 et 1) aléatoire à partir d'un système physique montrant deux minimas d'énergie. Cependant, ces implémentations matérielles souffrent souvent d'un biais intrinsèque, conduisant à des minimas et des barrières d'énergie inégaux. Ceci entraine des écarts importants par rapport à une répartition équilibrée des niveaux 0 et 1. Afin de rendre les deux niveaux équivalents, un traitement de signal est nécessaire.
Profiter de la dynamique aléatoire d'un nano-oscillateur spintronique
Des chercheurs du laboratoire CEA-Irig/ Spintec ont validé un concept pour générer un flux binaire aléatoire et intrinsèquement non-biaisé, fondé sur la dynamique stochastique de la phase d'un nano-oscillateur spintronique :
Lorsque l'oscillateur est synchronisé à un signal externe, avec une fréquence double par rapport à la sienne, alors sa phase se stabilise sur deux valeurs discrètes, multiples de Pi.
Ainsi, un potentiel Pi-périodique pour la phase apparaît avec des minimas et des barrières intrinsèquement identiques. En présence du bruit thermique, les transitions stochastiques de la phase, comme par exemple d'un état 0 à Pi et de Pi à 2Pi, ont une probabilité exactement égale, permettant la génération d'un flux binaire non-biaisé
La validation à l'aide de la suite de tests statistiques du National Institute of Standards and Technology a confirmé l'adéquation du flux binaire pour les applications de cryptage sécurisé.
Par rapport à d'autres concepts, l'implémentation à base d'oscillateurs spintroniques ne nécessite donc pas de traitement additionnel du signal pour rendre le flux binaire non-biaisé. La prochaine étape désormais pour les chercheurs est d'explorer une configuration magnétique innovante permettant d'augmenter le taux de fluctuations dans la gamme des GHz. Ces résultats sont exploités en collaboration avec le CEA-LETI pour implémenter une machine Ising à base d'oscillateurs spintroniques.