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Modélisation de la ville : l’équation qui éteint des controverses centenaires


​Des chercheurs de l'IPhT proposent une nouvelle équation décrivant la population des villes qui embrasse pour la première fois l'ensemble des observations des économistes, des géographes et des historiens.

Publié le 18 novembre 2020

La science des villes s'intéresse aux régularités observées dans les grands systèmes urbains du monde. Au cœur de cette science, la modélisation de l'évolution de la population des villes peut-elle expliquer comment s'organise la répartition des villes les plus peuplées d'un pays ?

Selon la loi de Zipf, remarquée pour la première fois en 1913, cette répartition présente une régularité remarquable : si on classe les villes d'un pays selon leur population par ordre décroissant, la population d'une ville est inversement proportionnelle à son rang. Ainsi, la ville la plus peuplée d'un pays est-elle généralement deux fois plus grande que la deuxième. Pierre angulaire de la géographie urbaine, la loi de Zipf dit en creux que les populations urbaines ne tendent pas vers un optimum qui conduirait à une « taille unique » mais qu'elles sont hétérogènes et obéissent à une sorte de « hiérarchie ». Cette régularité frappante a déclenché de nombreux débats et études depuis plus d'un siècle.

Des chercheurs en économie ont suggéré que la loi de Zipf résulte de processus de croissance aléatoire et de chocs économiques. En particulier, Gabaix a montré en 1999 qu'un taux de croissance démographique indépendant de la taille de la ville peut conduire à la loi de Zipf, à condition d'introduire l'hypothèse (non testée) que les villes ne peuvent pas devenir trop petites. Ce modèle reste jusqu'à présent le seul paradigme pour comprendre la croissance des villes.

Cependant l'augmentation spectaculaire des sources de données a changé la donne. Plusieurs études empiriques récentes remettent en question la loi de Zipf en pointant de nombreuses variations selon les pays, les périodes considérées ou bien la définition des villes utilisées pour les mesures.

Comment évoluent les villes

De plus, les chercheurs ne s'intéressent pas qu'à la répartition des populations urbaines mais également à leur évolution temporelle. Or l'histoire révèle que les villes et les civilisations peuvent apparaître ou disparaître selon une dynamique chaotique que le modèle de Gabaix est incapable d'expliquer. Il restait donc à trouver le modèle mathématique capable d'expliquer les observations empiriques sur les populations urbaines.

Les chercheurs de l'IPhT comblent cette lacune avec une nouvelle équation non déterministe (stochastique), construite à partir de l'analyse empirique de données récentes du Canada, de la France, du Royaume-Uni et des États-Unis. Celle-ci révèle que ce sont les chocs migratoires interurbains, rares mais très importants, qui dominent la croissance des villes.

L'équation qui en découle prédit une organisation des villes plus complexe que celle décrite par la loi de Zipf. Elle produit de multiples variations temporelles dans la hiérarchie des villes, en accord avec les observations. Ces résultats soulignent l'importance d'événements rares dans l'évolution des systèmes complexes et, à un niveau plus pratique, dans l'urbanisme : il est possible de changer le destin d'une ville !

 



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