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Quand la génomique éclaire le climat


​En s'appuyant sur une analyse métagénomique, des chercheurs du CEA-Jacob/Genoscope et du LSCE (CEA-CNRS-UVSQ) dévoilent une « biogéographie » des communautés planctoniques des océans. Ils prédisent l'évolution de leur distribution géographique à l'horizon 2100, avec à la clé, une réduction des flux de carbone organique depuis les eaux de surface vers les profondeurs. 
Publié le 5 avril 2022

L'océan couvre les deux tiers de la surface de la planète et représente 96 % du volume de sa biosphère. Il joue un rôle central dans le climat, notamment en séquestrant de grandes quantités de carbone atmosphérique. En particulier, le plancton marin contribue fortement aux flux de carbone organique depuis les eaux de surface jusqu'au plancher océanique (« pompe à carbone » biologique).

Dans le cadre de Tara Oceans, le Genoscope a entrepris depuis 2010 un inventaire de la diversité du plancton qui se poursuit encore aujourd'hui. Très vite, la composition des communautés planctoniques est apparue fortement liée à la température.

Pour des centaines de prélèvements réalisés à travers le monde, l'ADN a été échantillonné puis séquencé, soit un volume d'informations équivalent à 8.000 fois le contenu du génome humain. Cette analyse a mis en évidence le partitionnement génomique de l'océan en régions ou provinces, selon la terminologie des océanographes. Ces provinces correspondent au regroupement de sites de prélèvement partageant les mêmes caractéristiques génomiques, pour une des six tailles de plancton recueilli. Des jeux de tamis différents ont en effet permis de sélectionner des communautés planctoniques bien distinctes, depuis les virus pour les plus petites, jusqu'au zooplancton de 2 millimètres au maximum, pour les plus grandes.

L'étude pluridisciplinaire menée par le Genoscope et le LSCE démontre que ces provinces correspondent à des niches écologiques, en établissant un lien statistique entre la composition génomique du plancton et des paramètres environnementaux.

Pour y parvenir, les chercheurs ont mis en œuvre des méthodes de machine learning supervisé pour chacune des provinces génomiques identifiées. En utilisant les modèles climatiques, ils ont pu extrapoler spatialement des provinces « climato-génomiques ». Ces provinces sont de grandes dimensions, comparables à celles des vastes structures tourbillonnaires observées dans les principaux océans (gyres). Certaines incluent des aires appartenant à plusieurs océans.

Les scientifiques ont découvert que la distribution géographique des organismes planctoniques est très différente suivant leur taille.

  • Celle des grands organismes planctoniques (principalement le zooplancton 20-2000 µm) est très latitudinale (elle suit le gradient de température nord-sud) et peut dépasser les limites d'un bassin océanique.
  • Celle des petits (phytoplancton, bactéries et virus, 0-200 µm est plus morcelée, tout en restant très latitudinale.

Les climatologues ont enfin introduit ces données biogéographiques dans leur modèle qu'ils ont fait tourner dans un scénario business as usual de réchauffement important (RCP 8.5) jusqu'à l'horizon 2100.

  • Certaines provinces s'étendent, d'autres se réduisent. La plupart migrent vers les pôles.
  • La composition du plancton change : les organismes ayant la capacité d'utiliser l'azote de l'atmosphère (diazotrophes) se développent dans les zones équatoriales, notamment dans le Pacifique.
  • Les flux de carbone organique vers les fonds océaniques diminuent de 4 %.

Une diminution de la pompe à carbone biologique ne peut que renforcer le réchauffement climatique.

Ces travaux lancés grâce au programme transversal DRF-Impulsion montrent qu'il est possible de tisser des liens entre données de nature génomiques et des grands cycles biogéochimiques. Il reste désormais à construire des modèles mécanistiques et explicatifs. 


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