Après le dioxyde de carbone, le méthane est le contributeur le plus important au réchauffement climatique. C'est pourquoi la communauté scientifique internationale procède à des suivis rigoureux de leurs sources et émissions. Au sein du Global Carbon Project, les chercheurs dressent un tableau complet du cycle mondial du carbone et des bilans des sources et puits de dioxyde de carbone (CO2), de méthane (CH4) et de l'oxyde nitreux. Et cela, en incluant également les dimensions biophysiques et humaines de ces éléments ainsi que leurs interactions et rétroactions.
Ce bilan mondial du méthane 2024 propose des tendances et bilans sur les deux dernières décennies. Il a été produit à partir d'observations, de modélisations de la biosphère terrestre, de synthèses de produits basés sur des mesures de flux, d'inventaires de données d'activités. Il repose également sur des mesures de CH4 dans l'atmosphère et la modélisation de son transport et de sa chimie. « Dans ce bilan, nous rendons compte de 17 secteurs de sources naturelles et anthropiques et de 4 puits de méthane », indique Marielle Saunois, chercheuse au LSCE et première auteur de ce bilan.
Plusieurs conclusions:
- Alors que les émissions mondiales de CO2 provenant des activités humaines sont restées stables au cours de la dernière décennie, celles de CH4 ont augmenté du fait des combustibles fossiles, de l'agriculture et des déchets.
- Les activités humaines sont aujourd'hui responsables d'au moins 2/3 des émissions mondiales de CH4.
- Les tendances des émissions de CH4 provenant des activités humaines suivent les scénarios du Giec les plus pessimistes conduisant à un réchauffement de plus de 3°C, notamment du fait de la quasi-inexistance de politiques d'atténuation.
- Les concentrations dans l'atmosphère ont augmenté plus rapidement que jamais et à une vitesse plus rapide que celles prévues par les scénarios du Giec.
Des points clés à considérer
Les scientifiques détaillent par ailleurs des points clés à considérer au regard des objectifs de l'Accord de Paris (stabilisation des températures en dessous de +2°C par rapport aux niveaux préindustriels) :
- Les émissions anthropiques de CH4 ont augmenté de 20% (61 millions de tonnes de CH4 par an) au cours des deux dernières décennies.
- Les sources anthropiques directes de CH4, représentant 60% des sources totales de CH4, sont : exploitation et utilisation des combustibles fossiles, agriculture, traitement des déchets, combustion de la biomasse et des biocarburants.
- Les émissions de CH4 provenant des combustibles fossiles sont désormais comparables aux émissions des vaches et autres ruminants à l'échelle mondiale, mais les émissions globales de l'agriculture et du secteur des déchets (par exemple les ruminants, les rizières, les décharges) restent environ deux fois supérieures à celles associées aux combustibles fossiles.
- L'accumulation de CH4 dans l'atmosphère s'est accélérée, avec des taux de croissance en 2020, 2021 et 2022 plus élevés que tous ceux observés depuis les premières mesures précises en 1986.
- En 2023, la concentration de CH4 a atteint 1923 parties par milliard (ppb), contre 722 ppb au niveau préindustriel, représentant la valeur la plus élevée depuis au moins 800 000 ans.
- Pour des trajectoires d'émissions nettes nulles conformes à l'Accord de Paris, les émissions anthropiques de CH4 doivent diminuer de 45% par rapport aux niveaux de 2019 d'ici à 2050
- En 2022, les principaux pays émetteurs en volumes de CH4 anthropiques sont : Chine (16%), Inde (9%), États-Unis (7%), Brésil (6%) et Russie (5%).
- Le principal émetteur de CH4 provenant de l'exploitation du charbon est la Chine (53%). Les principaux émetteurs de CH4 provenant du secteur du pétrole et du gaz sont le Moyen-Orient (24%), la Russie (18%) et les États-Unis (12%).
- L'Union européenne (4% des émissions mondiales) et l'Australasie (Australie + Nouvelle Zélande) ont réussi à réduire leurs émissions anthropiques de CH4 au cours des deux dernières décennies.