Dans Iter, comme dans les futurs tokamaks qui produiront de l'énergie, le plasma de fusion sera réalisé à partir d'un mélange de deutérium et de tritium. Dans cette configuration, les réactions de fusion génèrent des particules alpha, hautement énergétiques, qui devront maintenir le plasma à des températures de l'ordre de 100 millions de degrés : il sera alors auto-chauffé, on parle de "plasma en combustion". Or, ces particules sont potentiellement délétères pour le confinement du plasma, du fait de leurs interactions avec les « ondes d'Alfven » qui se propagent en direction du champ magnétique du tokamak.
L'étude de ces ions très énergétiques est un sujet fondamental. Le tokamak euroméen JET est la seule installation à pouvoir utiliser du tritium, mais ses plasmas produisent des particules alpha en trop faible quantité pour chauffer significativement le plasma. Les chercheurs ont donc recours à deux types de chauffage externe : soit ils injectent dans le plasma des atomes énergétiques via des faisceaux d'ions intenses selon la technologie NBI (Neutral Beam Injection), la plus utilisée aujourd'hui ; soit ces ions sont produits par résonance avec des ondes spécifiques injectées de l'extérieur grâce aux technologies ICRH (Ion Cyclotron Resonance Heating) ou ECRH (Electron Cyclotron Resonance Heating).
Particules alpha et faible rotation du plasma
Dans le cas du NBI, les atomes rapides (énergie proche de 100 KeV), ionisés en entrant dans le plasma, chauffent les ions et engendrent une rotation très élevée du plasma qui joue un rôle stabilisant. Mais, dans Iter, la présence de particules alpha (énergie de l'ordre du MeV) chauffera les électrons et devrait induire une rotation beaucoup plus faible entrainant le développement de perturbations.
C'est du moins ce que les chercheurs pensaient jusqu'à, notamment, un précédent résultat du CEA-l'IRFM obtenu sur Jet lors d'une campagne en « deutérium-hélium 3 » (et non D-T) : contre toute attente, le confinement du plasma obtenu en présence d'ions accélérés au MeV était amélioré de 40%.
Vue interne du tokamak JET lors d'une expérience DT, où le rayonnement du plasma dans la bande spectrale du visible apparaît en rose. Les résultats numériques du code FAR3D, en superposition, montrant la perturbation bénéfique causée par les instabilités des ions énergétiques,.© JCEA/JET
Dans la présente étude sur JET en configuration D-T, qui sera celle d'Iter, l'équipe en charge de l'expérience a souhaité retrouver ces conditions de plasma en combustion en chauffant les électrons du plasma par ICRH avec des ions très énergétiques jusqu'au MeV. Objectif : obtenir une faible rotation du plasma et beaucoup de perturbations. « Nous nous attendions à une amélioration du plasma uniquement en son cœur, comme ce fut le cas lors de la précédente expérience. Mais nous avons pu développer un « piédestal », c'est-à-dire un confinement amélioré également aux bords du plasma, que nous attribuons à la présence du tritium », explique Jeronimo Garcia qui a conduit ces expériences.
Un résultat important pour Iter, à poursuivre sur West
« Jusqu'à présent, nous n'avions que très peu de données. Ce résultat est donc important pour comparer des plasmas avec ceux attendus dans Iter. Par ailleurs, il va permettre d'améliorer les modèles prédictifs du comportement des plasmas, lequel continuera d'être optimisé sur notre installation West », poursuit le chercheur de l'IRFM.
En effet, bien que le tritium ne puisse être utilisé dans le tokamak West, ce dernier a été conçu pour reproduire des conditions similaires à celles d'Iter. Il permet de générer des plasmas de « longue durée (plusieurs minutes) et tous ses composants sont en tungstène (divertor et parois internes), contrairement à JET. De plus, comme il n'utilise pas le chauffage NBI mais ICRH, il peut générer des ions très énergétiques et des ondes électromagnétiques, et ainsi garantir des rotations faibles.
L'obtention de ce meilleur confinement du plasma va également inspirer les équipes d'EuroFusion qui travaillent au dimensionnement optimal (taille, géométrie, champ magnétique) des futurs centrales à fusion.