La
transition énergétique est souvent abordée sous l’angle politique ou
technologique. Mais peut-on en comprendre les fondements globaux à travers les lois de la physique ? C'est le pari qu'ont relevé des chercheurs du laboratoire SPEC/SPHYNX du CEA-IRAMIS, en appliquant une approche inspirée de la physique statistique à l'économie mondiale.
Leur objectif : quantifier la relation entre l'énergie consommée, l'activité économique et la capacité d'innovation de nos sociétés. Pour cela, ils se sont appuyés sur deux siècles de données historiques, de 1820 à 2020, intégrant non seulement les énergies techniques (charbon, pétrole, électricité, etc.) mais aussi les formes plus traditionnelles comme le bois, la nourriture ou le fourrage pour les animaux de trait.
Cette vision globale permet d'étudier un indicateur clé : l'efficacité économique de l'énergie, c'est-à-dire le rapport entre le PIB mondial et la consommation totale d'énergie. Dit autrement, combien de valeur économique produisons-nous pour chaque unité d'énergie utilisée ?
Une croissance exponentielle de l'efficacité énergétique
Leur étude révèle un résultat remarquable : ce ratio croît de manière exponentielle avec la quantité d'énergie cumulée consommée au fil du temps. Autrement dit, plus l'humanité consomme d'énergie, plus elle devient capable d'en tirer de la valeur économique. Un signe clair de la dynamique d'innovation qui accompagne chaque étape du développement industriel et technologique.
Cette relation, formalisée sous la forme d'une « loi exponentielle de l'efficacité énergétique », décrit avec précision l'évolution observée depuis deux siècles. Elle peut être utilisée pour reconstruire le passé ou projeter l'avenir, en reliant la consommation d'énergie mondiale à la croissance économique potentielle.
Un nouvel éclairage sur les scénarios climatiques
Ce travail apporte aussi une contribution précieuse à la modélisation des transitions énergie-climat. En effet, la plupart des scénarios utilisés aujourd'hui, y compris ceux du GIEC, supposent que l'activité économique et la consommation d'énergie évoluent indépendamment. Or, les chercheurs montrent que ces deux grandeurs sont en réalité étroitement liées, selon une loi simple et universelle.
En confrontant leur modèle aux scénarios récents de l'Agence Internationale de l'Énergie (AIE), ils montrent que les politiques actuelles prolongent la tendance historique, tandis que les scénarios plus ambitieux (comme le Net Zero Emission, compatible avec +1,5 °C) exigent des progrès d'efficacité énergétique sans précédent.
Cette approche systémique ouvre ainsi la voie à une meilleure intégration des lois physiques dans les modèles économiques globaux, et fournit un nouvel outil pour évaluer la cohérence et la faisabilité des trajectoires de transition énergétique.