Omniprésents dans les écosystèmes, les micro- et nanoplastiques (MP et NP) suscitent de vives préoccupations pour la santé humaine. Très stables chimiquement et hydrophobes, ces particules pénètrent les organismes vivants via ingestion ou inhalation. Ils interagissent alors avec les biomolécules pour former des structures nommées biocoronas, constituées d'une couche de biomolécules adsorbée à la surface de la particule.
Suite à des rapports récents sur la capacité des MP et NP à franchir la barrière hémato-encéphalique, la question de leurs interactions avec des protéines cérébrales et d'une éventuelle toxicité se pose : : que se passe-t-il lorsqu'elles rencontrent des protéines cérébrales sensibles impliquée dans la maladie de Parkinson et la démence à corps de Lewy ?
Pour y répondre, des chercheurs des instituts Joliot (I2BC) et Iramis (NIMBE/LIONS) de la DRF, ainsi que le SC2M/SRMP de la DES, ont exploré les interactions entre la protéine hαSn et des nanoplastiques de polyéthylène (PE), en combinant simulations de dynamique moléculaire et mesures expérimentales.
Formation d'un complexe plastique - protéine stable
L'α-synucléine humaine (hαSn) est une petite protéine présynaptique, abondante dans le cerveau, associée génétiquement et neuro-pathologiquement à la maladie de Parkinson et la démence à corps de Lewy. Les résultats obtenus ont permis de dégager trois conclusions importantes :
i) L'hαSn passe d'une conformation hélicoïdale ouverte à une conformation compacte, ce qui renforce les interactions intramoléculaires ;
ii) Les NP de PE non oxydés adsorbent rapidement l'hαSn, comme le montrent les données expérimentales de diffusion dynamique de la lumière et les isothermes d'adsorption, ce qui modifie sa structure ;
iii) Les NP oxydés ne parviennent pas à capturer l'hαSn. Les interactions se font essentiellement au domaine N-terminal de l'hαSn, avec des contributions majeures d'acides aminés hydrophobes.
Figure ci-dessus : Comportement de l'hαSn (bleu foncé) à la surface de particules de polyéthylène non-oxydé (cyan). Crédit : Tripathi et al., 2025
En résumé, ce travail met en lumière un mécanisme inédit : la formation d'un complexe stable entre les nanoplastiques et l'alpha-synucléine pourrait favoriser l'agrégation de la protéine, un processus central dans le développement de lésions cérébrales. L'interaction observée, notamment au niveau du domaine N-terminal de la protéine, serait principalement guidée par des acides aminés hydrophobes.
Faisant l'objet de la couverture du journal Biomacromolecules, ces résultats constituent une avancée importante. Ils pourraient permettre de mieux comprendre les fondements pathologiques de la neurodégénérescence induite par les NP de plastique, la formation observée du complexe de NP avec l'αSn humaine constituant une force motrice pathogène plausible, source de lésions neurologiques et de dysfonctionnement neuronal.
Cette étude illustre aussi pleinement la plus-value d'une approche interdisciplinaire associant modélisation, biophysique et chimie. Une coopération entre instituts du CEA qui éclaire les risques émergents pour la santé humaine à l'échelle moléculaire.