Les antineutrinos sont les anti-partenaires du neutrino, et sont produits notamment dans les processus de désintégration nucléaire de type β. De charge électrique nulle, ils sont très difficiles à observer car ils interagissent très faiblement. Leur détection représente cependant un enjeu majeur dans de nombreux domaines, à la fois en sciences fondamentales (physique des particules, physique nucléaire, astrophysique et cosmologie) ou pour des applications sociétales comme la surveillance à distance des centrales nucléaires.
Un jalon important vient d'être franchi avec l'expérience NUCLEUS, qui cherche à démontrer la détection bolométrique des antineutrinos de réacteur, en s'appuyant sur un processus d'interaction appelé diffusion cohérente des neutrinos sur noyaux. Née d'une collaboration entre 7 partenaires Européens dont le CEA-Irfu, l'expérience installée à l'université technique de Munich a démontré le bon fonctionnement de ce tout nouveau concept de détection lors de premiers tests de mise en service.
L'appareillage utilise un réseau de cristaux chacun équipés de thermomètres à transitions supraconductrices, l'ensemble étant porté à des températures de l'ordre de 10 mK et totalisant une masse cible de 10 grammes. Ces détecteurs ultra sensibles, dont la conception découle directement de ceux de l'expérience CRESST, mesurent les infimes montée en température (de l'ordre du millionième de degré) lorsqu'ils subissent l'interaction d'une particule comme le neutrino.
Les très bons résultats obtenus par la collaboration NUCLEUS ont permis de valider le concept et la bonne opération de ces détecteurs, ouvrant la voie à l'étape suivante, à savoir le déménagement de l'installation sur la centrale nucléaire de Chooz dans les Ardennes. Il s'agira ainsi de démontrer une toute nouvelle technique pour la détection des antineutrinos de réacteur, avec potentiellement de nouvelles mesures pour tester le modèle standard de la physique des particules !
50 jours d'essais et de prises de données
Une première mise en service de 50 jours de l'installation a permis aux équipes de démontrer la stabilité et les performances de l'ensemble des sous-systèmes et de vérifier la capacité de traitement des données. Elle a aussi été l'occasion d'étudier la réponse en énergie des calorimètres cryogéniques grâce à un système d'étalonnage embarqué.
Un important travail d'analyse de données et de simulations est en cours afin d'étudier deux composantes de bruit de fond, et qui pourrait limiter la sensibilité aux neutrinos :
- D'un côté les bruits causés par les rayonnements extérieurs (radioactivité naturelle, rayonnement cosmique, etc.), en parti supprimés par le système de blindages conçu et fabriqué par le CEA-Irfu
- De l'autre « l'excès », un bruit de fond d'origine inconnue qui se manifeste particulièrement aux très basses énergies proches du seuil de détection, et que la communauté des détecteurs bolométriques étudie grandement.
L'analyse des données fera l'objet de plusieurs publications courant 2025. Une nouvelle mise en service est prévue la même année sur la centrale de Chooz, mais cette fois-ci avec les blindages au complet et une mise à jour du système de détection.