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Comprendre le processus de formation des étoiles grâce à l’observation d’un filament interstellaire


​Une équipe du CEA-Irfu est pour la toute première fois parvenue à mesurer précisément la largeur d'un filament interstellaire, lieu de formation des étoiles. Les analyses confirment l'existence d'une échelle caractéristique d'environ 0,1 parsec (environ 3,26 années-lumière). Un résultat obtenu grâce au JWST et qui permet de mieux appréhender la raison pour laquelle les étoiles ne se forment pas avec une masse arbitraire.

Publié le 4 juillet 2025

La compréhension de la croissance complexe des structures conduisant à la formation d'étoiles dans le Milieu InterStellaire (MIS) froid des galaxies est une question centrale de l'astrophysique. Au moins au premier ordre, la structure des nuages interstellaires froids est observée comme étant sans échelle ou auto-similaire, dans le sens où toutes les images de nuages moléculaires tendent à être statistiquement similaires, indépendamment de la résolution spatiale à laquelle elles sont obtenues. Cette auto-similarité est souvent attribuée à l'effet de la turbulence supersonique qui façonne la structure des nuages moléculaires. Une question fondamentale ouverte est donc de comprendre comment les étoiles, qui sont des corps de taille finie, peuvent émerger d'un MIS sans échelle, avec une distribution des masses à la naissance (appelée Fonction de Masse Initiale ; ou IMF en anglais) présentant un large pic autour de 0,3 Msoleil.

Premiers éléments de réponse grâce à l'observatoire spatial Herschel

Les observations submillimétriques des nuages moléculaires proches effectuées par l'observatoire spatial Herschel ont fourni des indices importants sur cette question, en montrant que la plupart des étoiles naissent dans des filaments denses de gaz froid à une température d'environ 10 K. Au moins dans le voisinage du soleil, les observations de Herschel indiquent que les filaments de formation d'étoiles ont tous à peu près la même largeur, proche d'environ 0,1 pc. Lorsque ces filaments atteignent un seuil critique de masse par unité de longueur d'environ 16 Msoleil/pc, ils peuvent se fragmenter et former des étoiles dont la masse caractéristique approche 0,3 Msoleil, le pic observé de l'IMF.

Cependant, le télescope Herschel n'a pu résoudre l'échelle de ≈0,1 pc que par un facteur relativement modeste (< 10) dans les nuages les plus proches et n'a pas pu sonder la structure des filaments de formation d'étoiles dans les nuages plus éloignés, au-delà de la ceinture de Gould (voisinage solaire à d<0.5 kpc). Par conséquent, la robustesse et la portée de l'explication ci-dessus pour l'origine du pic de l'IMF ont été remises en question. 

L'analyse des données de JWST révèlent que la formation d'étoiles ne serait pas strictement sans échelle

Pour étudier les propriétés des filaments denses et leur rôle potentiel dans l'origine des masses stellaires au-delà des nuages proches, une équipe du Département d'Astrophysique (CEA-Irfu) a utilisé l'instrument MIRI à 7,7 et 25,5 μm sur le JWST, ainsi que la caméra ArTéMiS sur le télescope APEX, pour imager le filament massif NGC6334M (à environ 1,3 kpc) et son voisinage avec une résolution meilleure que celle d'Herschel d'un à deux ordres de grandeur. Les filaments tels que NGC6334M sont si froids et denses qu'ils n'émettent pas de manière significative de lumière aux longueurs d'onde de l'infrarouge moyen. Par conséquent ils sont vus comme des silhouettes sombres par MIRI, en absorption par rapport à l'émission de fond infrarouge.

Les données d'absorption du JWST ont révélé la structure fine du filament de NGC6334M avec des détails sans précédent. Une largeur médiane de filament de 0,12±0,02 pc a été mesurée aux deux longueurs d'onde MIRI, résolue par près de deux ordres de grandeur par le JWST, et cohérente avec la largeur typique de demi-puissance des filaments Herschel dans les nuages moléculaires proches (d<0,5 kpc). Les données du JWST ont également révélé la présence d'un motif quasi-périodique de filaments latéraux avec un espacement projeté similaire de 0,125±0,015 pc. Des simulations numériques magnétohydrodynamiques récentes sont capables de reproduire cette échelle caractéristique et ce motif quasi-périodique. 

Au final, l'existence de cette échelle caractéristique de ≈0,1 pc démontre que les nuages moléculaires de formation d'étoiles ne sont pas strictement sans échelle et étaye la suggestion que le pic de l'IMF à ≈0,3 Msoleil pourrait être intimement lié à la structure filamentaire du MIS froid.


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