Les neutrinos, particules de matière les plus légères de l'univers, jouent un rôle essentiel dans la cosmologie et la physique des particules. Leur masse, bien que faible, constitue un paramètre fondamental pour comprendre des phénomènes allant de la formation des structures de l'univers à l'émergence de nouvelles physiques au-delà du modèle standard.
L'expérience KATRIN, située à l'Institut de Technologie de Karlsruhe (KIT), mesure la masse des neutrinos en analysant la désintégration bêta du tritium, un isotope radioactif de l'hydrogène. En étudiant la distribution énergétique des électrons émis près de la limite cinématique (18.6 keV), l'expérience permet de contraindre directement la masse effective des neutrinos, indépendante de tout modèle cosmologique ou hypothèse sur leur nature.
Le résultat de la nouvelle mesure de la masse du neutrino obtenue par KATRIN est basé sur cinq campagnes de mesure et 36 millions d'électrons. Les analyses des données révèlent une valeur ajustée pour le carré de la masse effective du neutrino : -0,14 avec une incertitude de +0,13 et -0,15 électronvolt carré, correspondant à une limite supérieure de 0,45 eV/c² à 90 % de confiance. Mesurer une masse carrée négative pourrait paraître déroutant. Dans l'expérience KATRIN, c'est pourtant la masse carrée du neutrino qui entre dans la formule décrivant le spectre de désintégration bêta du tritium.
Théoriquement, une masse carrée négative est permise, mais correspondrait à des particules exotiques appelées « tachyons », se déplaçant plus vite que la lumière, un scénario considéré comme hautement improbable et sans fondement expérimental. Expérimentalement, la masse du neutrino se manifeste par un déficit d'électrons mesurés dans la région terminale du spectre. À l'inverse, un excès d'électrons dans cette région est interprété comme une masse carrée négative.
Dans le cas présent, un excès correspondant à une déviation standard est observé, ce qui explique la valeur légèrement négative obtenue. Un tel écart est compatible avec une fluctuation statistique attendue. Un excès très significatif pourrait, en revanche, indiquer une description incomplète du système expérimental dans l'analyse, mais ce n'est pas le cas pour le résultat actuel de KATRIN.
KATRIN poursuit ses mesures jusqu'en 2025 avec pour objectif d'accumuler 1 000 jours de données, ce qui devrait permettre d'abaisser la sensibilité à moins de 0,3 eV/c². En parallèle, des développements tels que le détecteur avancé TRISTAN, ouvriront la voie à l'étude de neutrinos « stériles », potentiels candidats pour la matière noire. Ces neutrinos stériles, s'ils existent, interagiraient uniquement par la gravité, ce qui les rendrait particulièrement difficiles à détecter mais potentiellement très importants pour expliquer l'origine de la matière noire.