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Dans le sillage des prix Nobel de physique et de chimie 2021

Systèmes complexes : la solution « freestyle » de Giorgio Parisi


​Pierfrancesco Urbani, physicien théoricien à l'IPhT, dont les directeurs de thèse étaient Giorgio Parisi et Silvio Franz (Université Paris-Saclay)

Publié le 18 octobre 2021

« Dans un système complexe comme un verre de spins, un grand nombre d'agents (les spins) interagissent de manière désordonnée. Il existe de ce fait un très grand nombre de configurations possibles qui sont presque optimales et peuvent avoir des propriétés physiques différentes. Si on perturbe légèrement le système, que se passe-t-il ?

Pour répondre à cette difficile question, Giorgio Parisi a proposé entre 1979 et 1983 une solution mathématique d'un modèle de verre de spin très célèbre (modèle de Sherrington-Kirkpatrick) qui paraissait bizarre au début. Avec sa « méthode de brisure de symétrie des répliques », il stipule que plusieurs répliques d'un même système désordonné évoluent toutes différemment, mais avec une similarité structurée de manière hiérarchique. Avec un éclair de créativité extrême, il a eu l'intuition de cette solution qui était très loin de tout ce qu'on connaissait. Créée avec une mathématique complètement inédite, et donc freestyle, cette solution a produit des ramifications dans de nombreux domaines, dont certains sont éloignés de la physique comme l'algorithmique ou les réseaux de neurones.

À partir de 2010, j'ai travaillé avec Giorgio et un groupe de collaborateurs et on a construit une théorie des verres avec un nombre infini de dimensions spatiales. On a découvert que la solution que Giorgio avait donnée pour les verres de spins s'appliquait aussi aux verres à basse température, au-delà d'une nouvelle transition de phase. Cette solution a permis de calculer de manière inattendue les propriétés statistiques des empilements de sphères dures et donc de développer une description des matériaux granulaires et de leurs propriétés physiques. Ces mêmes propriétés se retrouvent également dans certains modèles de réseaux de neurones artificiels.

Giorgio a eu beaucoup de collaborations avec la communauté française de physique. L'une d'entre elles a donné lieu à un papier très célèbre et fécond de Giorgio avec Edouard Brézin, Claude Itzykson et Jean-Bernard Zuber, chercheurs de l'IPhT à l'époque, sur les matrices aléatoires (apparues en 1978). Au cours de quarante dernières années, beaucoup de doctorants, post-docs et chercheurs français ont fait des séjours à Rome et vice-versa, à Paris. Il y avait comme une espèce de tunnel direct d'échanges et de collaborations entre Paris et Rome et ce lien reste très fort.»

Giorgio Parisi, Pierfrancesco Urbani et Francesco Zamponi ont coécrit un livre paru en 2020 sur la théorie des verres (Theory of Simple Glasses (cambridge.org)).