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DECRYPTAGE - MAKING-OF

Micro-algues pour biocarburants


Face au réchauffement climatique, la recherche continue pour trouver de nouvelles alternatives aux hydrocarbures fossiles pour les secteurs du transport et de la pétrochimie. L’une des pistes explorées implique des microalgues. Au CEA, plusieurs unités mènent des recherches sur le sujet.


Publié le 23 mai 2022

Une alternative aux énergies fossiles dans le secteur de la mobilité et de la pétrochimie ?

Les huiles que les microalgues produisent par photosynthèse (des glycérolipides), constituent des réserves d’énergie qui peuvent être transformées en biocarburantspar voie chimique

Avantage : un bilan neutre en CO2, le gaz carbonique libéré par le carburant consumé étant compensé par celui absorbé par la plante. 

Inconvénient : pour transformer cette solution en un procédé industriel économiquement viable, quelques verrous restent encore à lever, notamment ceux de la vitesse de croissance des microalgues et de leur productivité en huile. 

Au CEA, plusieurs unités sont impliquées dans ce chantier  : l'Institut de recherche interdisciplinaire de Grenoble (Irig), l'Institut de Biosciences & biotechnologies d'Aix-Marseille (BIAM) ainsi que l'implantation locale CEA Tech Paca.

Ce sont les recherches menées à l'Irig qui vous sont présentées ci-après.


VidéoMicro-algues pour biocarburants

Mieux comprendre le fonctionnement des micro-algues

Nous travaillons sur des microalgues marines et terrestres. Méconnues, elles présentent pourtant un fort potentiel. » Eric Maréchal, chef de laboratoire

Pour les équipes de l'Irig, bien comprendre le fonctionnement des microalgues est un prérequis indispensable. Leurs mécanismes moléculaires et cellulaires (qui gouvernent la photosynthèse), l’architecture cellulaire, le métabolisme carboné (il produit toutes les molécules du vivant à partir du CO2) ainsi que leurs réponses aux variations environnementales sont en effet encore très mal connus. Pour y remédier, les chercheurs déchiffrent les fonctions de gènes impliqués dans ces mécanismes. 

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Collection de microalgues comprenant des espèces marines et terrestres, qui couvre une biodiversité allant des algues vertes, algues rouges, diatomées, eustigmatophytes, à certaines espèces non photosynthétiques.


Comment ?
Par des technologies omiques : génomique (analyse des gènes), transcriptomique (analyse des ARN messagers), protéomique (analyse des protéines), lipidomique (analyse des lipides). Ces nouvelles connaissances sont utilisées pour développer des lignées de microalgues optimisées pour la production d’huiles énergétiques.

Améliorer les lignées de microalgues grâce à l'ingénierie génétique

Chaque étape d’ingénierie génétique vise à comprendre et optimiser les propriétés de nos microalgues. » Juliette Salvaing (Inrae), chercheuse

C’est par ingénierie génétique que les chercheurs améliorent les lignées de microalgues, de sorte qu’elles produisent davantage d’huiles tout en ayant une croissance optimale. Grâce à l’outil d’édition génétique Crispr-Cas9, ­ sorte de ciseaux moléculaires, ils créent des modifications ponctuelles dans des gènes d’intérêt, impliqués par exemple dans une voie métabolique, un système de régulation, un complexe moléculaire, etc. 

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Comparaison de colonies de microalgues témoins et modifiées par ingénierie génétique. © L. Godart / CEA


Les chercheurs se servent aussi de ces gènes d’intérêt comme critère de recherche pour sélectionner de nouvelles espèces de microalgues dans les collections publiques et dans tous les compartiments de l’environnement (neige, sources chaudes, mer, etc.).

Des biocarburants pour qui ?

Le marché des biocarburants s’adresse en priorité aux gros porteurs : avions, bateaux, poids lourds routiers. Peu indiqués pour la propulsion électrique, du fait du volume et de la courte autonomie des batteries, ces modes de transport nécessitent encore des carburants liquides. Les biocarburants fournis par les microalgues font partie des alternatives bas carbone étudiées, en complément d’autres sources de biomasse.

Sélectionner les algues les robustes et les plus productives

 Les algues que nous sélectionnons doivent être stables vis-à-vis des conditions de culture et produire des huiles à haut potentiel énergétique. » Juliette Jouhet (CNRS), responsable de la plateforme Lipang

Les chercheurs sélectionnent les souches les plus productives et s’assurent de leur robustesse, c’est-à-dire du maintien de leur productivité (quantité et qualité des huiles produites par litre et par jour) selon les conditions de culture. Ils disposent pour cela, en plus d’un parc de chambres climatiques, d’une plateforme analytique appelée Lipang (Lipid Analysis in Grenoble). 

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Les microalgues sont mises en culture en milieu liquide stérile, sous agitation, à l’intérieur de chambres climatiques éclairées et thermostatées. © L. Godart / CEA


Cet équipement unique en France permet la qualification la plus précise et la plus exhaustive possible des différents glycérolipides présents dans un échantillon : extraction, identification, analyse structurale, quantification, etc. Toute la chaîne métabolique est ainsi finement analysée, incluant les molécules précurseurs des huiles et celles qui en découlent.

Préparer l’industrialisation

Nous sommes encore dans une phase de recherche. Les retours d’expérience de l’industriel sont essentiels pour optimiser à la fois les souches et les procédés de culture. » Alberto Amato, chercheur CEA en génie génétique.

Il faut aussi transformer le procédé de culture développé en laboratoire en un système industriel, déployé à plus grande échelle. Dans un photobioréacteur mimant en partie les conditions industrielles, les chercheurs jouent sur les concentrations, les milieux, l’apport en CO2, etc. afin d’optimiser les cultures. Car les huiles ne sont produites qu’en condition de stress. 

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Mise en culture en photobioréacteur. Ce système permet de comparer les performances obtenues dans des flacons cultivés en chambres climatiques, avec celles mesurées dans des conditions mimant certains systèmes pilotes pré-industriels. © L. Godart / CEA


L’enjeu est donc de trouver le bon compromis entre stress (par exemple une carence en nutriment) et croissance rapide des algues. Les souches et procédés optimisés sont ensuite transmis à l’industriel, ici TotalEnergies, qui évalue la montée en échelle.

Ailleurs au CEA

Les équipes de l'Institut de Biosciences & biotechnologies d'Aix-Marseille (BIAM) du CEA et de CEA Tech Paca s’intéressent tout particulièrement à la production d’hydrocarbures volatils dans la phase gazeuse du milieu de culture des algues, notamment grâce à l’expression d’une enzyme prometteuse qu’elles ont découverte, la Fatty-Acid Photodecarboxylase. Celle-ci permet de transformer certains acides gras des micro-algues en hydrocarbures à l’aide de l’énergie lumineuse.

Cet article est paru dans Les Défis du CEA n°247

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