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Cerveau : l’activité neuronale révélée par la diffusion de l’eau


Une équipe de recherche du centre de neuro-imagerie NeuroSpin, pilotée par Denis Le Bihan (CEA), vient de montrer que la diffusion de l’eau ralentit dans les régions du cerveau activées.
Publié le 25 juin 2013

Ce ralentissement est étroitement corrélé à l’activité électrique des neurones, plus que les changements de débit sanguin sur lesquels repose aujourd’hui l’IRM fonctionnelle. Ce ralentissement diffusionnel traduit a priori des changements dynamiques dans la structure microscopique du cortex cérébral, comme un gonflement de ses cellules lors de leur activation. Ce couplage « neuromécanique » entre forme et fonction cellulaire représente donc une approche radicalement différente pour l’imagerie fonctionnelle cérébrale potentiellement plus représentative du fonctionnement cérébral que le couplage neurovasculaire sur lequel repose l’IRM fonctionnelle aujourd’hui. Cette nouvelle approche devrait aussi permettre aux scientifiques de mieux comprendre les processus cellulaires qui sous-tendent l’activation neuronale et le rôle de l’eau dans ces processus.

Ces résultats viennent d'être publiés dans PNAS.

Apparue dans les années 1980, l’imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM) est un outil puissant de diagnostic et de recherche neurobiologique. Cette technologie d’analyse du cerveau repose sur l’utilisation des propriétés magnétiques des atomes d’hydrogène présents dans les molécules d’eau qui constituent 90% des molécules de notre cerveau. L’IRM fonctionnelle (IRMf) est utilisée pour étudier l’activité cérébrale. Elle permet de détecter l’activité des régions cérébrales associées à des stimulations sensorimotrices ou cognitives comme la parole ou la lecture, qui se traduisent par une augmentation locale du débit sanguin dans les régions activées et de la teneur en oxygène du sang. Malgré son énorme succès cette approche, appelée BOLD (Blood Oxygenation Level Dependant), a toutefois des limites : la détection des régions activées reste indirecte et tributaire d’un couplage neurovasculaire dont les mécanismes ne sont pas encore complètement élucidés et qui peut être altéré ou faire défaut dans certaines situations (présence de certains médicaments, de pathologies, anesthésie, etc.). L’activation cérébrale n’est alors plus détectable de façon fiable. De plus, la précision spatiale et temporelle des images IRMf BOLD reste intrinsèquement limitée par sa nature même, la réponse vasculaire n’atteignant son maximum qu’environ 6 secondes après le début d’activation neuronale, et continuant aussi plusieurs secondes après l’arrêt de l’activation.

L’IRM de diffusion, dont Denis Le Bihan est le pionnier (1985), permet, elle, d’obtenir des images dont le contraste dépend du coefficient de diffusion de l’eau. La diffusion de l’eau est entravée par les éléments constituant le tissu cérébral, notamment les membranes cellulaires. Toute modification dans l’organisation de ces tissus se traduit par une altération de la diffusion de l’eau qui devient visible en IRM de diffusion. Ainsi, dans les accidents vasculaires (AVC) à la phase aigüe, la diffusion de l’eau ralentit de manière très importante dans les territoires privés de sang, en lien avec le gonflement important des neurones précédant leur mort. L’IRM de diffusion qui en permet le diagnostic en urgence est aujourd’hui utilisée en routine en milieu hospitalier. En 2006, une équipe de chercheurs franco-japonais dirigée par Denis Le Bihan avait montré par IRM de diffusion que la diffusion de l’eau diminuait légèrement dans le cortex visuel de volontaires lors de stimulation visuelle, et ce de manière plus rapide que la réponse vasculaire observée par l’IRMf BOLD. L’hypothèse suggérée était que l’IRM de diffusion détectait des changements microscopiques dans la structure du cortex cérébral (comme un gonflement cellulaire) associés à l’activation des neurones. Cette interprétation est toutefois restée controversée, l’IRM de diffusion pouvant aussi être sensible aux changements vasculaires à l’origine de l’effet BOLD.

Aujourd’hui, les chercheurs de NeuroSpin (centre CEA de Saclay) montrent dans une série d’expériences menées chez le rat par IRM à 7 teslas dans différentes conditions de stimulations neuronales, que le ralentissement de la diffusion de l’eau dans le cortex n’est pas d’origine vasculaire, mais bien directement d’origine neuronale. Après administration de nitroprusside, un médicament qui supprime le couplage neurovasculaire, la réponse diffusionnelle visible en IRM de diffusion persiste, alors que la réponse IRMf BOLD disparait. De plus, la modulation de la diffusion de l’eau dans le cortex activé suit beaucoup plus fidèlement et précisément dans le temps l’activité électrique enregistrée dans ce cortex que la réponse IRMf BOLD. Ce ralentissement diffusionnel traduit des changements dynamiques dans la structure du cortex cérébral activé, comme un gonflement d’éléments cellulaires, relevant d’un nouveau mécanisme de couplage qualifié par les auteurs de neuromécanique, associant la forme cellulaire à son état fonctionnel. L’IRM de diffusion apparait donc non seulement comme une approche radicalement nouvelle pour l’imagerie fonctionnelle cérébrale par rapport aux techniques existantes reposant sur le couplage neurovasculaire, mais elle ouvre aussi des perspectives importantes pour comprendre les processus cellulaires associés à l’activation neuronale et le rôle de l’eau dans ces processus.

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L’activité neuronale (tache en couleur) reste visible par IRM de diffusion mais disparait avec l’IRMf BOLD en présence de nitroprusside, agent qui supprime le couplage neurovasculaire. Tsurugizawa, Ciobanu & Le Bihan, NeuroSpin © CEA

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