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Tremblante du mouton : 1er cas expérimental de transmission à un primate


​Des chercheurs du CEA-IMETI ont montré qu’il est possible de transmettre la tremblante du mouton à un primate non humain. Après 10 ans d’incubation silencieuse, l’animal a développé une maladie à prions avec une signature similaire à celle de la maladie de Creutzfeldt-Jakob.

Publié le 14 août 2015

La maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) est une maladie à prions humaine qui touche environ 1 personne sur 1 million. 10 % des cas sont d'origine génétique, 85 % sont sporadiques, c'est-à-dire sans cause identifiée, ni infectieuse, ni génétique. Les 5 % restants sont iatrogènes1 et ont été occasionnés par exemple par la prise d'hormones de croissance ou par une greffe de dure-mère, la membrane qui enveloppe le cerveau. Les cas iatrogènes posent la question d'une éventuelle nature infectieuse pour certains cas de MJC classés sporadiques. Aussi, il a été démontré que l'agent prion de l'Encéphalopathie Spongiforme Bovine (ESB) ou maladie de la vache folle peut être transmis à l'Homme et causer une nouvelle variante de la MCJ (voir encadré).

Si les agents prions bovins sont capables de franchir la barrière des espèces et contaminer l'Homme, qu'en est-il des agents ovins ? Une équipe du CEA-IMETI, en collaboration avec l'Inra, l'Istituto Zooprofilattico Sperimentale del Piemonte (Bologne), l'US National Animal Disease Center, l'Anses2 et Norwegian Veterinary Institute, a testé l'hypothèse d'une transmission de la tremblante du mouton au primate non humain (PNH), modèle considéré comme particulièrement pertinent pour reproduire la situation humaine vis-à-vis des prions. Suite à l'inoculation par voie intracérébrale d'un isolat de tremblante, un PNH a développé des signes neurologiques après environ 10 ans d'incubation. L'analyse histologique et biochimique de cet animal a confirmé le développement d'une maladie à prions, similaire à certaines formes de maladie de Creutzfeldt-Jakob sporadique. La période d'incubation s'avère 4 fois plus longue que pour l'ESB, à dose égale dans ce modèle.

La transmission par voie intracérébrale est un élément nécessaire mais non suffisant pour considérer le risque zoonotique3 comme pertinent. Le risque  pour la santé humaine étant ici principalement par voie alimentaire, la démonstration de la contamination par voie orale serait un complément crucial. De telles études n'ont pas été initiées à ce jour chez le PNH. Néanmoins, la période d'incubation attendue après contamination par voie orale est bien supérieure à celle observée par voie intracérébrale, donc plus de 10 ans, certainement de l'ordre de 20 ans. Ceci est consistant avec l'âge d'apparition tardif de la maladie de Creutzfeldt-Jakob sporadique (entre 50 et 75 ans). Au regard des périodes d'incubation, il ne peut pas être exclu que certains cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob sporadique soient plutôt liés à une contamination par voie orale à partir de tremblante du mouton. De très longues durées d'incubation silencieuse (plus de 50 ans) ont déjà été observées chez l'Homme après contamination par voie orale avec le Kuru, une maladie à prions de type encéphalopathie spongiforme, découverte en Nouvelle Guinée, dont le mode de transmission a pu être relié à un rite funéraire anthropophage.

Ces travaux démontrent la nécessité des expériences à très long terme, en conditions de haute sécurité, pour l'analyse des risques pour l'Homme de ce type d'agents infectieux et soulignent la difficulté d'identifier d'éventuelles causes environnementales pour les autres maladies neurodégénératives sous-tendues par des mécanismes de type prion (maladie d'Alzheimer, maladie de Parkinson notamment).

Le CEA, pionnier dans la recherche sur le prion
Le Service d'étude des prions et infections atypiques (SEPIA) du CEA est un laboratoire de référence concernant les recherches sur le prion. On lui doit par exemple la 1ère preuve expérimentale du lien entre la nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob et l'agent de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) (Nature, 1996). Suite à la demande du ministère de l'Agriculture, il a développé et breveté un test diagnostique, mis sur le marché via une licence accordée à Bio-Rad (Nature, 2001). Ce test, qui a été le plus utilisé au monde, a contribué à sécuriser la filière alimentaire.

  1. Se dit d'un trouble, d'une maladie provoqués par un acte médical ou par les médicaments.
  2. Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.
  3. Transmission d'une maladie de l'animal à l'Homme, et vice et versa

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