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La muographie « ausculte » le cœur du réacteur nucléaire G2


​Une collaboration réunissant des équipes de la Direction des énergies et du CEA-Irfu a produit une image bidimensionnelle du cœur du réacteur G2 de Marcoule, à l'aide d'un télescope à muons (des particules issues de rayonnements cosmiques). Elle révèle des structures internes et démontre le potentiel de la muographie pour l'assainissement et le démantèlement d'installations nucléaires en complément d'autres méthodes.
Publié le 10 décembre 2020

Pour préparer au mieux le démantèlement d'un réacteur, ses exploitants doivent déterminer précisément son état en consultant les plans de construction, en retraçant les éventuelles modifications subies au cours de sa vie et en menant des investigations sur le terrain.

Dans le cas de G2 (voir encadré), le cœur du réacteur est entouré d'une enveloppe en béton de plusieurs mètres d'épaisseur qui met en échec les techniques ultra-sons ou radar habituellement utilisées. Les équipes chargées de son démantèlement ont donc souhaité évaluer une technique plus pénétrante, développée à l'origine par l'Irfu pour reconstruire la trajectoire de particules dans les accélérateurs : la muographie.

En effet, comme les rayons X pour l'imagerie médicale, les muons d'origine cosmique peuvent être utilisés pour sonder des objets massifs et inaccessibles tels qu'un volcan, une pyramide égyptienne ou un réacteur. Le procédé consiste à enregistrer les muons qui ont traversé l'objet :  les parties les plus denses absorbent davantage de muons que les autres. Ainsi avec un télescope à muons, les chercheurs de l'Irfu ont-ils pu mettre en évidence une cavité inconnue à l'intérieur de la pyramide de Kheops, en Égypte.

Pour la muographie de G2, les chercheurs ont commencé par développer, à partir de 22.000 fichiers décrivant le réacteur, un modèle numérique utilisant un code Monte-Carlo (logiciel Geant4). Au bout d'un an, l'outil de simulation était opérationnel pour l'analyse et l'interprétation d'images expérimentales. Un télescope a ensuite été installé au centre de la base du réacteur : une position optimale pour former une image globale et évaluer les capacités de la technique.

Entre février et juillet 2020, quelque 18 millions de muons et autant de trajectoires ont été enregistrés par le télescope à muons, composé de quatre détecteurs gazeux Micromegas de 50×50 cm² disposés en série. Après correction de la distribution angulaire des muons, l'image obtenue a été comparée à la simulation numérique. Résultat : un déficit de muons est observé à deux endroits correspondant respectivement aux tubes des blocs de chargement et déchargement de combustible.


À la détection de cette anomalie, deux ingénieurs travaillant sur le démantèlement de G2 ont vérifié le modèle 3D du réacteur à partir de plus de 1 700 plans de construction établis depuis 1958. Six mois de labeur leur ont permis d'arriver aux mêmes lacunes que celles indiquées par la muographie, démontrant tout le potentiel de cette technique pour l'assainissement-démantèlement.

Le projet va se poursuivre avec le déploiement de quatre télescopes à neuf endroits bien choisis afin de réaliser une image 3D de l'intérieur du réacteur et ainsi observer l'état des structures internes du réacteur G2, après plus de trente ans d'irradiation.



Le réacteur G2 du CEA 

G2 a produit du plutonium et de l'électricité de 1958 à 1980, à Marcoule, puis a été arrêté en février 1980. Il appartient à la famille de réacteurs UNGG, dont le combustible est l'uranium naturel, le modérateur et le réflecteur de neutrons, le graphite, et le caloporteur, du CO2 sous pression.

De 1986 à 1996, les circuits de refroidissement, extérieurs au bloc réacteur, et les équipements de production de l'électricité ont été enlevés. Depuis lors, le réacteur est passé en phase de surveillance avec des opérations d'investigations ou de diagnostics des ouvrages et équipements, dans l'attente de son futur démantèlement.

À l'intérieur, le « bloc modérateur » en briques de graphite forme un quasi-cube de 1300 tonnes, 9,05 m de longueur, 9,53 m de largeur et 9,40 m de hauteur. Il est percé de 1200 canaux horizontaux (pour les barreaux de combustible) et de 51 puits verticaux (pour les barres de contrôle) et il est enfermé dans un caisson en béton de trois mètres d'épaisseur, de forme cylindrique horizontale (20 m de diamètre et 34 m de longueur).

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