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En 2018, l'héritage indésirable d'un printemps chaud


​Selon une collaboration internationale coordonnée par l'Université de Munich et impliquant le LSCE (CEA-CNRS-UVSQ), la sécheresse estivale qui a frappé l'Europe en 2018 s'explique en partie par la canicule printanière qui l'a précédée : celle-ci a déclenché une croissance précoce et rapide des végétaux qui a épuisé l'humidité du sol dans les régions où dominent les prairies et les cultures.
Publié le 18 juin 2020

Marqué par un fort ensoleillement, des températures élevées et un déficit pluviométrique, l'été 2018 a été extrêmement sec en Europe – en particulier en Europe du Nord et centrale. Des incendies de forêt et des pertes de récolte ont eu un impact économique considérable.

De précédentes études sur les sécheresses estivales de 2003 et 2010 avaient révélé que les écosystèmes absorbent moins de dioxyde de carbone que d'habitude car le manque d'eau et la chaleur affectent leur productivité. « On sait peu de choses sur la manière dont les paramètres météorologiques antérieurs influencent la réponse des écosystèmes aux conditions extrêmes durant l'été, explique Philippe Ciais, chercheur au LSCE. Pour en savoir plus, nous avons utilisé l'année 2018 en Europe comme étude de cas et réalisé des simulations climatiques intégrant 11 modèles de végétation différents. »

Les résultats montrent que les conditions chaudes et ensoleillées au cours du printemps 2018 ont entraîné une croissance de la végétation plus vigoureuse et plus précoce que d'habitude, et donc une augmentation temporaire des taux d'absorption de dioxyde de carbone. Cependant, l'impact sur la productivité annuelle – et donc sur le bilan carbone global – a été très variable d'une région à l'autre. « Lorsque les plantes reprennent leur croissance plus tôt dans l'année, elles utilisent davantage d'eau », explique Nicolas Viovy, également chercheur au LSCE.

En Europe centrale, la croissance rapide des végétaux au printemps a considérablement réduit la teneur en eau du sol. En été, le niveau d'humidité du sol était déjà insuffisant pour maintenir la biomasse qui s'était accumulée, rendant les écosystèmes plus vulnérables aux effets de la sécheresse. Selon les modèles, cet effet explique environ la moitié du déficit hydrique du sol au cours de cet été. De ce fait, les températures élevées du printemps en Europe centrale ont eu un impact négatif sur la productivité des écosystèmes et l'absorption nette de dioxyde de carbone plus tard dans l'année.

En Scandinavie en revanche, le début de la croissance a compensé la perte de productivité induite par la sécheresse plus tard au cours de l'été. En conséquence, l'activité des écosystèmes et le bilan carbone annuel ont été neutres ou légèrement positifs.

Les chercheurs attribuent cette différence régionale à la nature de la végétation dominante – terres arables et pâturages en Europe centrale et forêts en Scandinavie.

Les besoins en eau des végétaux jouent en effet un rôle essentiel. Les arbres en consomment davantage que les prairies ou les cultures mais en font un usage plus économe car ils peuvent atténuer leur perte d'eau en cas de chaleur en ajustant l'ouverture des pores de leurs feuilles (stomates). De plus, ils peuvent puiser l'eau en profondeur grâce à leurs racines en période de sécheresse. Pour ces raisons, les forêts boréales d'Europe du Nord ont maintenu des niveaux de fixation du carbone presque normaux pendant la sécheresse.

Dans l'ensemble, les nouvelles simulations indiquent que le printemps chaud de 2018 a amplifié la vulnérabilité des écosystèmes à la sécheresse estivale en Europe centrale et a atténué les effets négatifs d'un été chaud et sec en Scandinavie.

Cette étude suggère que le taux de croissance de la végétation au printemps pourrait devenir un indicateur précoce de sécheresse estivale et des approches alternatives de gestion des terres permettraient d'atténuer les impacts négatifs de futures vagues de chaleur et sécheresses. 

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