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La taille des noyaux lourds scrutée par spectroscopie laser


​​Une collaboration internationale menée par GSI en Allemagne, impliquant le CEA-Irfu et le Ganil, a mesuré pour la première fois la taille de noyaux atomiques lourds (des isotopes de fermium). Surprise : les effets quantiques semblent s'effacer quand la masse des noyaux augmente… 
Publié le 7 avril 2025

​Les physiciens nucléaires ont découvert des centaines de noyaux stables et des milliers de noyaux instables qu'ils identifient par les nombres de protons Z et de neutrons N qui les composent. Ils se demandent quelle combinaison de protons et de neutrons conduirait à un noyau encore plus lourd. Quelle serait la structure d'un tel noyau ? Pour tenter de répondre à de telles questions, les physiciens disposent d'outils expérimentaux, parmi lesquels la spectroscopie laser.

De quoi parle-t-on ? La spectroscopie laser consiste à ioniser des atomes grâce à des lasers afin d'accéder à certaines propriétés du noyau atomique. Plus précisément, la longueur d'onde d'ionisation est caractéristique de la structure atomique qui, elle-même, contient l'empreinte de certaines propriétés nucléaires. L'une de ces propriétés est le « rayon de charge moyen » du noyau qui est corrélé à sa taille (de l'ordre de 10-15 m).

Un outil très puissant, indépendant des modèles

Grâce à la spectroscopie laser, les physiciens peuvent ainsi déterminer comment la taille du noyau évolue quand le nombre de neutrons augmente, pour un même nombre de protons. Cet outil très puissant – car il donne un accès direct à une propriété nucléaire, indépendamment de tout modèle nucléaire théorique – n'a cependant pu être utilisé que très récemment pour les noyaux lourds. En effet, les physiciens ont dû adapter leurs installations expérimentales aux faibles taux de production des noyaux lourds (au-delà de l'uranium) et à leurs courtes durées de vie.

À GSI en Allemagne, la collaboration RADRIS (Radiation Detected Resonance Ionization Spectroscopy) a réussi l'exploit de produire 8 isotopes du fermium (Z = 100) et un nouvel isotope du nobélium (Z = 102) et de les analyser par spectroscopie laser.

Ils observent que la taille des noyaux évolue assez régulièrement à mesure qu'augmente le nombre de neutrons. Ce comportement s'accorde avec un modèle simple de noyau, à savoir une goutte liquide, grossissant continûment avec le nombre de particules qui la composent. Il ne présente aucun des changements abrupts de la taille du noyau – imputables à des effets quantiques comme la fermeture de couche de nucléons – auxquels s'attendaient les physiciens.

Des effets quantiques qui s'estompent ?

Pour interpréter ces résultats surprenants, plusieurs équipes internationales de théoriciens ont été sollicitées. En particulier, les théoriciens de l'Irfu ont développé des modèles microscopiques du noyau en prenant en compte les corrélations collectives résultant des interactions entre les protons et neutrons. Leurs calculs s'accordent avec l'expérience et interrogent sur le comportement quantique de ces noyaux lourds.

Paradoxalement, les noyaux comptant plus de 104 protons n'existent que grâce aux effets quantiques, seuls capables de s'opposer à la très forte répulsion coulombienne en leur sein et il semblerait que ces mêmes effets quantiques s'estompent quand la masse du noyau augmente ! Des études expérimentales complémentaires seront donc nécessaires pour enquêter sur cette possible transition vers un régime plus macroscopique de la matière nucléaire.

Aujourd'hui, la collaboration RADRIS envisage d'étudier un nouvel élément : le lawrencium (Z = 103). À terme, les physiciens devront se tourner vers des installations de nouvelle génération, comme le spectromètre S3, couplé aux faisceaux de haute intensité du nouvel accélérateur SPIRAL2, situé au Ganil à Caen.


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