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Les humains sont dotés d’un sens unique de la géométrie


​Des chercheurs de CEA-Joliot, du Collège de France, du CNRS et de l'Université Paris 8 montrent que les humains sont dotés d'une capacité universelle pour comprendre des concepts géométriques abstraits. En revanche, cette faculté qui ne dépend pas de l'âge, ni de la culture ou de l'éducation, n'existe pas chez les primates non humains testés. 
Publié le 10 juin 2021

Une ligne droite, un carré, un zigzag, un cercle… L'attrait de l'homme pour les formes géométriques semble être aussi ancien que l'humanité elle-même : on trouve des gravures en zigzag de plus de 500 000 ans ! Les concepts géométriques sont-ils universellement partagés ? D'où émergent nos intuitions sur la géométrie ? Plusieurs études suggèrent que les humains partagent un niveau élevé de compréhension de propriétés abstraites des formes géométriques.

Pour en savoir plus, des chercheurs de NeuroSpin et leurs partenaires ont conçu un test empirique, utilisant les formes les plus simples qui soient. Leur objectif était d'éprouver la validité d'une hypothèse encore plus forte : cette affinité pour la géométrie serait une exception humaine et n'existerait pas chez les autres primates.

Ils ont conçu un ensemble d'onze quadrilatères à la régularité géométrique plus ou moins grande  (angles droits, côtés parallèles, symétries). Pour chacune de ces formes, ils ont construit quatre versions alternatives et leur ont appliqué une transformation identique. Ils ont ensuite utilisé ces formes pour une tâche de détection d'intrus. À chaque essai, six formes sont présentées : cinq seulement sont identiques à une rotation ou à une dilatation près.

605 adultes français ont participé à cette expérience en ligne, partagée sur Twitter. Ils se sont révélé sensibles à la régularité géométrique des formes. En effet, ils répondaient d'autant plus vite et se trompaient d'autant moins souvent que la régularité des formes était plus grande.

28 élèves de grande section de maternelle, ainsi que 156 élèves de CP, ont également répondu à ce questionnaire, à l'école. L'effet de régularité géométrique a été retrouvé chez les enfants. Même résultat pour 22 adultes himbas non scolarisés, appartenant à un peuple pastoral du nord de la Namibie, qui ne dispose pourtant que d'un vocabulaire réduit pour la géométrie.

Par ailleurs, les chercheurs ont entraîné 26 babouins à détecter un intrus parmi des images. Les singes parviennent à apprendre la tâche mais les 11 individus assez persévérants pour atteindre des performances comparables à celles d'élèves de grande section n'ont pas manifesté de sensibilité à la régularité géométrique. Ainsi n'ont-ils pas appris plus vite à reconnaître le carré parmi d'autres figures qu'une forme quelconque, non géométrique. Même après plus de 8000 essais, ils se trompaient toujours une fois sur deux et ce, quelle que soit la forme géométrique présentée.

Pour modéliser le comportement des babouins, les auteurs de l'étude ont eu recours à des réseaux de neurones à convolution, utilisés comme modèles des mécanismes cérébraux de la perception d'objets. Cette modélisation prédit correctement le comportement de tous les babouins, mais le modèle doit être enrichi avec des informations symboliques (nombre d'angles droits, de côtés parallèles, etc.) pour expliquer le comportement des humains.

Ces résultats révèlent une nouvelle signature de la singularité humaine, plus élémentaire que le langage ou les capacités mathématiques, et constituent un nouveau défi pour des modèles non symboliques de la perception humaine.

Ces travaux ont été réalisés en collaboration avec l'Unité « Fonctionnement et dysfonctionnement cognitifs : les âges de la vie » des Universités Paris-8 et Paris-Nanterre et le Laboratoire de psychologie Cognitive (CNRS/Aix-Marseille Université).


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