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La kleptoplastidie : quand le plancton vole des « organes » à une microalgue


​​​​​​​​​Des chercheurs du CEA-Irig viennent de mettre en évidence, dans des travaux en collaboration, une interaction complexe chez le plancton marin entre prédation et symbiose. Cette interaction par laquelle un plancton est capable de « voler » les organelles productrices d’énergie d’une microalgue et de les détourner pour son propre usage pendant des mois, démontre la complexité des relations entre cellules planctoniques dans l'océan, et comment la vie a pu se différencier​​​​ au cours de l'évolution.​​​

Publié le 5 juin 2025

​​Dans l'océan, le plancton est constitué majoritairement d'organismes unicellulaires qui interagissent de manière complexe au cours de leur vie.  En plus de se manger entre eux, ils peuvent aussi vivre ensemble, ce qu'on appelle la symbiose.  Par exemple, un plancton hôte peut abriter en symbiose des microalgues intracellulaires, ce qui lui permet d'accéder directement à l'énergie issue de la photosynthèse grâce à la lumière du soleil. 

Mais il existe une autre forme d'interaction : certains planctons « volent » des parties de microalgues, notamment les chloroplastes, les organelles photosynthétiques produisant de l'énergie sous forme de sucres et de lipides. Ce phénomène entre prédation et symbiose s'appelle la kleptoplastidie. Ces interactions permettent au plancton hôte de fabriquer sa propre énergie ou "carburant" à partir de la lumière. Les connaissances sur les mécanismes sous-jacents de ce phénomène restent limitées, notamment en ce qui concerne la façon dont se déroule l'interaction au niveau subcellulaire et ce qu'il advient des chloroplastes volés au fil du temps.

Ingestion sans digestion : un plancton « chimère » composé de deux noyaux

Dans une étude publiée dans la revue Current Biology, des chercheurs du CEA-Irig et leurs collaborateurs ont disséqué une interaction entre un type de plancton appelé dinoflagellé et une microalgue nommée Phaeocystis. En combinant des techniques d'imagerie avancées, ils ont pu déterminer l'organisation cellulaire de l'interaction, et plus particulièrement la morphologie tridimensionnelle des organelles volées de la microalgue dans la cellule hôte. Après « ingestion » de la microalgue, telle une proie non digérée, son noyau grossit, ses chloroplastes augmentent de volume et deviennent plus efficaces pour la photosynthèse. Sa mitochondrie forme alors un vaste réseau complexe en interaction avec le chloroplaste.

Après plusieurs semaines, le noyau de l'algue disparait, mais le chloroplaste et la mitochondrie sont conservés et restent fonctionnels pendant des mois, soulevant de nombreuses questions sur l'autonomie de ces organelles et du contrôle de l'hôte. Le plancton « voleur » est ainsi une chimère composée de deux noyaux, de deux mitochondries et de chloroplastes.

Figure : Reconstruction en 3D de la microalgue marine Phaeocystis et du dinoflagellé (Ross Sea Dinoflagellate) obtenue p​ar microscopie électronique 3D. 
Le dinoflagellé peut voler les organelles de la microalgue comme le chloroplaste (vert) et la mitochondrie (rouge), dont la morphologie et la physiologie sont modifiées


Grâce à l'imagerie subce​llulaire les scientifiques ont mis en évidence une stratégie complexe chez le plancton marin. Ces travaux améliorent nos connaissances sur les interactions et les dépendances entre cellules planctoniques dans les écosystèmes marins. 

En plus de leur importance écologique, ces interactions cellulaires entre prédation et symbiose sont à l'origine d'innovations majeures au cours de l'évolution, comme l'acquisition du chloroplaste chez les plantes et différentes lignées de microalgues.


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