La microscopie à super-résolution (ou nanoscopie) est une technique qui permet d'imager par microscopie optique des échantillons biologiques à une résolution nanométrique et qui connaît un nouvel essor. Certaines méthodes de nanoscopie utilisent comme marqueurs des protéines fluorescentes photo-convertibles (PCFPs) : des protéines fluorescentes dont les propriétés de fluorescence changent de manière irréversible en fonction des conditions d'illumination.
L'une des méthodes très répandue est la Microscopie de Localisation de Molécules Uniques (SMLM). Elle repose sur le principe que les PCFPs sont capables de changer leur émission de fluorescence du vert au rouge sous une illumination à 405 nm. Mais au-delà de cette photo-conversion, les PCFPs ont tendance à commuter de manière réversible entre des états fluorescents et non fluorescents, ce qui peut nuire fortement à la qualité des images obtenues. Les équipes Irig de D. Bourgeois (IBS/I2SR) et B. Brutscher (IBS/RMN) ont révélé un nouveau mode de photo-commutation pour une PCFP très utilisée : mEos4b.
Après photo-conversion, mEos4b (forme rouge) subit une « photo-commutation négative » : elle s'éteint sous la lumière à 561 nm (qui excite la fluorescence) et se réactive sous la lumière à 405 nm. Cette propriété provient d'un changement de conformation photo-induit du chromophore (isomérisation cis-trans), la conformation cis étant la seule capable de fluorescer. En résulte un scintillement marqué des molécules uniques lors de la collecte des données.
L'étude a aussi permis d'identifier une autre source de scintillement, quasiment imperceptible. Se déroulant sur une échelle de temps plus courte (quelques dizaines de ms versus plusieurs secondes pour la photo-commutation négative), une « photo-commutation positive » est observée : mEos4b sous sa forme rouge s'éteint sous la lumière à 405 nm et se réactive à 561 nm. Le phénomène s'explique grâce à la Résonance Magnétique Nucléaire (RMN) qui permet de mettre en évidence une hétérogénéité conformationnelle de mEos4b : un état fluorescent rouge stable (R1) prédomine, mais un deuxième état fluorescent rouge beaucoup moins brillant peut apparaître (R2).
La lumière à 405 nm induit le passage de l'état R1 à l'état R2, alors que la lumière à 561 nm rétablit la conformation R1. Par ailleurs, l'étude révèle que la coexistence des deux états R1 et R2 est fortement influencée par les conditions physico-chimiques de l'échantillon (pH, tampon du milieu…).
Figure ci-dessus : mécanisme de photo- commutation positive de mEos4b. En bas, exemple de l'évolution de l'état photo-physique d'une molécule unique de mEos4b au cours du temps, montrant des transitions entre les états R1, R2 et OFF. (D. Bourgeois / IBS)
Grâce à de nombreux développements, la microscopie SMLM s'impose aujourd'hui comme une technique phare de la biologie intégrative, permettant d'aller de la cellule jusqu'à la molécule unique. Bien que de nombreux verrous méthodologiques aient été levés pour améliorer la résolution des images obtenues, l'étude révèle que la grande complexité des propriétés photo-physiques des protéines fluorescentes constitue encore une limite pour l'analyse quantitative de ces images. Toutefois, des pistes restent ouvertes pour optimiser les conditions expérimentales et lever ce nouveau verrou.